100% 2019

GRANDE HALLE DE LA VILLETTE, Paris, 20 – 31 mars 2019

Esther Michaud, intersection et les patients, 2018

Retour sur la dernière édition de 100% l’exposition à la grande halle de la Villette, consacrée cette année aux sorties de différentes écoles (ENSBA, ENSAD, l’ENSCI, l’ENSAP, la Fémis et l’ENSA Malaquais). Des démarches créatives multiformes allant de la peinture, de la photographie aux conceptions architecturales et au design.

Esther Michaud, intersection et les patients, 2018

Parmi cette floraison de propositions plus ou moins pertinentes, j’ai retenu le travail d’Esther Michaud, diplômée de l’ENSAD, « intersection » et « les patients », 2018. Un remarquable dialogue entre une suite de collages d’une grande épure et cependant d’une grande complexité, faits de tissages et de gravures -des compositions rigoureuses, tramées, mais adoucies, poétisées par le textile- et une installation réunissant des fragments de bois fracturés, tâchés, greffés à l’aide de plâtre, de peinture, de métal, de tissu et interrogeant les rapports entre nature et artifice. Il émane de cette installation une précarité, une fragilité, non sans résonance à l’âge d’une nature meurtrie, d’une humanité menacée et plus essentiellement d’un être humain morcelé par une contemporanéité individualiste et virtualisée.

Un autre dialogue de qualité, entre représentation et réel, nous est proposé par Florian Mermin, diplômé des beaux-arts de Paris. « L’histoire d’un vase » (2017-2019), suite de dessins inspirés d’une sculpture en forme de vase sur laquelle sont modelées deux mains noires aux ongles vernis, entre vif et mort, apparition et disparition, voisine ainsi avec le « vase chardon » du même artiste constitué d’une céramique peinte et de fleurs fanées, comme des vanités contemporaines.

Alexia Venot, issue de l’ENSAD, développe dans « Hay et Husk », 2017-2018, une réflexion sur le réemploi des déchets de la production rizicole camarguaise par le design et le recours à des procédés artisanaux (tissage, fabrication de papier) ou industriels. Il en découle des pièces tout à fait surprenantes par leur texture, leurs entrelacs de veinures, leurs coloris. Autre jeune artiste à explorer des matériaux inattendus pour en produire des pièces éthérées, d’une réelle délicatesse quoique quelque peu dérangeantes : Antonin Mongin, également diplômé de l’ENSA. Ce-dernier tisse et teint des cheveux qu’il suspend et métamorphose. Un matériau humain porteur d’une histoire, d’une identité, et auquel l’artiste donne une nouvelle existence dans ses créations. Tissage et tressage encore sous les doigts de Lucie Dubois, diplômée de l’ENSAD, qui use du textile pour construire des espaces (« Alliages3 », 2018) tout à la fois fluides et sensibles, structurels et souples.

Du côté de l’art vidéo, outre les belles pièces silencieuses et apaisées quoique mélancoliques de Chloé Mossessian, présente dans l’exposition des Félicités des beaux-arts 2017, (« la sieste », 2016, « les limbes », 2016) et développant une approche tout à fait singulière du médium par une capacité à suspendre le temps quelque peu picturale, j’ai noté le travail d’une justesse teintée d’humour d’Albane Chaumet, court métrage animé évoquant l’insomnie et l’onirisme tout en jouant avec le langage (« Ododo ! ») ; le parallèle étonnant entre les faucons et les rafales de l’armée de l’air (« Birds of prey », 2018, soit « oiseaux de chasse » et « drones de combat »), les oiseaux de proie étant dressés à proximité de la piste de décollage afin d’effrayer les autres volatiles et éviter les collisions en vol. La nature apparaît ainsi tout à la fois protectrice et menaçante tout en rappelant les limites de l’homme.

Enfin, le duo Elsa & Johanna, qui réunit deux jeunes diplômées respectivement de l’ENSAD et des beaux-arts de Paris –et que l’on retrouvera à Art Paris 2019- propose une admirable série photographique, « beyond the shadows », 2018-2019. Une suite d’autoportraits réalisée au Canada et sondant, par un travail sur la mise en scène, l’identité, la narration et le temps, l’imaginaire collectif.

Albane Chaumet, Ododo (extrait)
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Author: Instant artistique

Conservateur de bibliothèque. Diplômée en Histoire et histoire de l'art à l'Université Paris I et Paris IV Panthéon-Sorbonne. Classes Préparatoires Chartes, École du Patrimoine, Agrégation Histoire. Auteur des textes et de l'essentiel des photographies de l'Instant artistique, regard personnel, documenté et passionné sur l'Art, son Histoire, ses actualités.

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