GALERIE ROPAC, Paris, Mai- Juin 2020
J’ai clos la période de confinement avec Anthony Gormley, j’ouvre cette période de déconfinement progressif, marquée par la réouverture de galeries d’art, à défaut des musées, avec ce même artiste.

La galerie Ropac du Marais lui consacre en effet une vaste exposition, constituée d’une installation sous la verrière principale, et d’un ensemble de dessins de sculpteur –des dessins réalisées à partir d’une dilution de carbone et de graphique appliquée sur une feuille, que l’artiste gratte ensuite avec une aiguille de graveur- et de sculptures en fonte couleur rouille marqués par l’épure et la déconstruction du corps en modules géométriques définis par des lignes orthogonales, d’une grande austérité, l’exploration du volume intérieur du corps sous forme de lignes évoquant un réseau. Malgré l’absence de tout élément permettant d’identifier le corps (structure osseuse, volumes musculaires, texture épidermique…), l’artiste parvient à l’évoquer à travers son échelle, ses proportions, ses attitudes dès lors que le spectateur y projette sa propre expérience et y décèle alors un homme gisant à terre, allongé, debout, accroupi etc.
Je ne veux pas illustrer une émotion ou une sensation, mais ces cartes rouillées pourraient être activées par la projection de ce que l’on ressent dans certaines positions ; en se tenant debout sur les épaules de quelqu’un dans le cas de Fill ; en se tenant allongé sur le côté pour Level ; ou en équilibre sur les fesses tout en soulevant la tête et les pieds pour Float. Dans le cas de Nest, la sensation de notre relation avec la terre lorsque l’on se tient en équilibre sur nos pieds en serrant nos jambes aussi fort que possible contre notre corps.
A l’heure du virtuel, Gormley entend en effet nous rappeler que le corps conditionne notre rapport au monde. « Run II », 2020, marque une nouvelle étape dans le travail de l’artiste, jusque-là centré sur le corps humain à partir du moulage de son propre corps. Constituée d’un tube d’aluminium carré et creux de quelque deux-cents mètres de long qui, déployé en continu, s’adapte au volume de l’espace d’exposition et l’envahit –le libère et le déborde- et que le spectateur est appelé à contourner, investir, traverser, l’installation témoigne d’une recherche davantage tournée vers l’extérieur. Elle imite la manière dont l’architecture divise et structure l’espace et s’interroge sur la façon dont notre environnement nous formate. Après le corps, l’artiste s’intéresse ainsi au « deuxième corps », le monde construit, à la façon dont nous nous déplaçons en son sein, tout en nous proposant de repenser notre dépendance envers lui. De fait, le tube dessine dans l’espace une suite de cadres entrecroisés, les sections horizontales du tube jouant avec les hauteurs et largeurs réglementaires des ouvertures, positionnées à hauteur d’éléments familiers dans notre habitat tels que table, étagère, plafond…, interagissant avec le corps du spectateur et non plus celui de l’artiste.











