MUSEE DE L’ORANGERIE, Paris, Avril-Juillet 2016

Exposition « Apollinaire, le regard du poète », au musée de l’Orangerie : l’occasion d’apprécier quelques très belles toiles de Duchamp (« nu descendant l’escalier » de Philadelphie, « le passage de la vierge à la mariée »), Picasso (« nature morte espagnole », « nu sur fond rouge »…), Matisse (« les citrons »), Chirico (le fameux « portrait prémonitoire de Guillaume Apollinaire » et la surprenante « révolte du sage »), Derain (« le don ») ou encore le fascinant « arbre rouge » de Picabia, toutefois un peu perdues dans un ensemble plus ou moins pertinent.

Duchamp, Nu descendant l’escalier, 1912 
Picabia, l’arbre rouge
L’occasion également de relire les textes de critique d’art du poète…, qui ne guident pas suffisamment le parcours de l’exposition à mes yeux même s’ils sont présents à travers des vitrines de livres et quelques poèmes. Quoi qu’il en soit, l’univers d’Apollinaire est bien celui des avants gardes du début du XXe siècle et son rôle de découvreur, sa curiosité et son goût artistique, paraissent manifestes.
On a dit de Picasso que ses oeuvres témoignaient d’un désenchantement précoce.
Apollinaire, 1905 in Apollinaire, Chroniques d’art 1902-1918″, Gallimard, 1960
Je pense le contraire.
Tout l’enchante et son talent incontestable me paraît au service d’une fantaisie qui mêle justement le délicieux et l’horrible, l’abject et le délicat.
Le cubisme authentique […] ce serait l’art de peindre de nouvelles compositions avec des éléments formels empruntés non à la réalité de la vision mais à celle de la conception. Cette tendance mène à une peinture poétique qui est indépendante de toute perception visuelle.
Apollinaire, 1913

Picasso, Nu sur fond rouge 
Picasso, nature morte espagnole
Apollinaire, 1912
Bientôt de nouvelles tendances se manifestèrent au sein du cubisme. Picabia, rompant avec la formule conceptionniste, s’adonnait, en même temps que Marcel Duchamp, à un art que n’enferme plus aucune règle.
Giorgio de Chirico est, par-dessus tout, absolument moderne et si la géométrie et les effets de la perspective sont les éléments principaux de son art, ses moyens ordinaires d’expression et d’émotion, il est vrai aussi que son oeuvre ne ressemble à aucune autre, antique ou moderne, formée sur des éléments. La peinture de Chirico n’est pas peinture dans le sens que l’on donne aujourd’hui à ce mot. On pourrait la définir une écriture de songe. Au moyen de fuites presque infinies d’arcades et de façades, de grandes lignes droites; de masses immanentes de couleurs simples; de clairs et d’obscurs quasi funéraires, il arrive à exprimer, en fait, ce sens de vastitude, de solitude, d’immobilité, d’extase [que] produisent parfois quelques spectacles du souvenir dans notre âme lorsqu’elle s’endort.
Apollinaire, 1914

Matisse, les citrons 
Derain, le don
Chez le grand coloriste qu’est Henri Matisse, la couleur a une valeur symbolique déterminée par la sensibilité de l’artiste. Le dessin, qui est ici purement instinctif, s’exprime avec la sensualité la plus délicate et la plus raffinée qui soit aujourd’hui.
Apollinaire, 1913
Les raisons que M. André Derain a de créer lui donnent la mesure de la perfection […]. Voici, réalisée dans du sublime, une des inspirations les plus pures de ce temps. L’effort de Derain ne se disperse pas à être lumineux, linéaire ou volumineux. Sa sincérité plastique se révèle autrement : par le calme terrible avec lequel il s’exprime sans passion conformément à ses passions.
Apollinaire, 1908
