MAGASINS GENERAUX, Pantin, Octobre – Novembre 2018
Les magasins généraux au bord du canal de l’Ourcq à Pantin accueillent la 4e édition d’Artagon, qui réunit une trentaine de jeunes artistes des écoles d’art « situées entre Paris et Moscou ». Un trait assez constant parmi des approches pourtant très diverses de la création : la prégnance de l’image -notamment l’univers numérique-, l’influence des nouvelles technologies, le brouillage des genres, des frontières et des identités. Le parcours, très bien documenté, permet une bonne appréhension du propos de chaque artiste. Ma sélection…
Dunja Ozegovic 
Jean Claracq
Malgré la diversité des techniques en présence –vidéo, sculptures et installations, photographies etc.-, la peinture m’a semblé bien représentée. En témoignent le travail de la serbe Dunja Ozegovic qui sonde la figure humaine, particulièrement celle de proches, en s’efforçant d’en découvrir le caractère insaisissable ; quelques « peintures d’après écran » de Jean Claracq -évoquées à plusieurs reprises dans le cadre de 100% Beaux Arts, Felicità 2018 ou encore AEmergence ; la série de portraits à l’huile de l’autrichien Paul Mittler, « Die Cityboys », 2018, inspirée d’un fait divers témoignant de la subversion et la violence à l’adolescence ; les toiles poétiques et épurées d’Andrei Sclifos. « Ce sont les plumes qui rendent le vol possible, qui concernent l’artiste, pas l’acte de voler ; c’est le geste, l’effet et le sens qui font la ligne, pas la pratique académique de tracer correctement la ligne ».
Parmi les nombreuses installations vidéo déployées dans l’espace d’exposition, j’ai retenu la performance vidéo « Would you like a cookie ? », 2016, d’Alma Lily Rayner, militante féministe d’origine israélienne, d’une grande efficacité en dépit de la pauvreté des moyens en jeu. Un travail sur l’indicible, l’invisible et le trauma, construit à partir de témoignages de victimes d’abus sexuels diffusés sur youtube ; ainsi que « Swarm », 2017, vidéo de la russe Albina Mokhryakova qui s’intéresse à l’agressivité masculine et travaille de même à partir de sources numériques et de témoignages personnels. La vidéo, qui représente de jeunes hommes s’adonnant à des rituels militaires et dont l’individualité semble s’effacer derrière le groupe, questionne la légitimité du service militaire obligatoire.
Jisoo Yoo, les fantomes de ma maison, 2018 
Anca Statica
La sud-coréenne Jisoo Yoo présente « les fantômes de ma maison », 2018, installation faite de ballons gonflés à l’hélium représentant des pièces de mobilier en suspension : lit, chaise, table…entre onirisme et inquiétude, intimité et extériorité, apparition et disparition dès lors que le mobilier reflète l’environnement et se déforme. Un questionnement sur l’identité, notamment sexuelle. La roumaine Anca Statica présente des fragments de corps, de gestes : mains de verre ou résine enfouies ou saisissant une poignée de sable, que l’artiste perçoit comme des pensées ou perceptions inscrites dans la matière et qu’elle souhaite partager avec le spectateur. Toujours dans le registre de l’installation, j’ai noté les pièces sobres et quelque peu primitives de l’italien Marco Rigoni, qui s’inspirent de sa région natale, -région tout à la fois agricole et marquée par le développement urbain et industriel- et plus particulièrement des structures de délimitation de l’espace ; le vitrail “post-punk. Exit”, 2018, de l’ukrainienne Yuliya Kyrychenko, pièce abstraite d’une belle qualité esthétique et paradoxalement équilibrée pour traduire une forme de rébellion, un cri, un questionnement existentiel ou encore l’installation du tchèque Ondrej Vicena, « high definition bleu Svetlo », 2018, plongée dans un monde onirique, un conte étrange marqué semble-t-il par la culture télévisuelle, cinématographique et le marketing occidental.
