Un après-midi dans les bas-fonds du Louvre, loin de mon parcours pictural ou sculptural habituel : antiquités orientales, antiquités égyptiennes, et surtout arts de l’Islam… De quoi se laisser surprendre par quelques oeuvres : le bestiaire mésopotamien, le panthéon égyptien, les lustres métalliques du Moyen Orient et les céramiques d’Iznik etc.
Depuis 2012, les arts de l’Islam se déploient principalement dans la cour Visconti, sous une structure de verre et de métal ondulée conçue par Rudy Ricciotti et Mario Bellini.
Les collections d’art islamique, développées à partir de 1793, réunissent un bel ensemble d’objets d’art (céramiques glaçurées ou en lustre métallique dès l’Irak abbasside -qui naît de trois cuissons et d’application de sels d’argent ou de cuivre sur le biscuit et la glaçure stannifère et produit des reflets changeants avec la lumière-, ivoires sculptés, vases en métal), de peinture (enluminures de corans, miniatures de grands récits profanes…), d’art textile (tapis, soieries…), d’éléments d’architecture (carreaux de céramique, lampes de mosquée…) représentatif des arts profanes et sacrés sur près de douze siècles, de l’Inde à l’Espagne, des arts qui se distinguent par la place majeure accordée à l’écriture et à la calligraphie, non seulement sur les parchemins mais également sur des céramiques, des pièces d’architecture ; la part de la géométrie et la prédominance fréquente de motifs décoratifs récurrents et symboliques frisant l’abstraction, reflets de l’infini et de l’unité divine, tels les Shamsa des frontispices de corans, aux dépens des représentations figuratives du réel, même si celles-ci sont présentes dans les arts profanes de même qu’un riche bestiaire fantastique fait de griffons, de chimères…parfois ponctué d’influences chinoises.
Les collections sont déployées chronologiquement et traduisent la grande diversité des cultures, des compétences techniques et artistiques, des dynasties qui se succèdent, par-delà l’unité de foi qui les rapprochent. Une première période, du VIIe au XIe siècles, sous les Umayyades et les Abbassides, caractérisée par un remarquable développement des techniques et des recherches décoratives illustrés par nombre de céramiques, ivoires sculptés, cristal taillé…. Une seconde période, du XIe au XIIIe siècles, époque des Croisades mais aussi d’une grande effervescence scientifique et littéraire dans le monde islamique. Une troisième période, du XIIIe au XVe siècles, marquée par les invasions mongoles, le morcellement du monde islamique, l’affirmation des Mamlouks en Syrie et en Egypte. Une quatrième et dernière période, du XVIe au XVIIIe siècles dominée par les Moghols en Inde, les Safavides en Iran et le vaste Empire ottoman.
Dans la cour carrée, l’installation « panorama » d’Eva Jospin n’est pas sans intérêt. Son architecture extérieure, en acier poli, est plutôt décevante, bien qu’elle reflète les façades du palais alentours, mais détonne d’autant plus avec l’oeuvre qu’elle contient. Après avoir cheminé dans un long corridor sombre, noir, circulaire comme l’architecture, on entre dans une forêt de carton assez délicate et non sans profondeur. L’artiste sculpte le carton comme un haut-relief, la juxtaposition des plans provoquant une fascinante superposition de strates sculptées.