PALAIS DE TOKYO, Paris, Juin-Septembre 2017
Le diorama signifie étymologiquement « voir à travers » et introduit le mouvement dans la peinture. Par-delà l’histoire de ce dispositif et de son influence sur les artistes des XX-XXIe siècles, il s’agit de mettre à jour ses stratégies d’illusionnisme et d’inspirer ainsi un regard critique sur le pouvoir de représentation. Ma sélection…
Parmi les propositions « historiques », par-delà les « tableaux sculptés » de l’époque baroque et les dioramas pédagogiques à base de taxidermie des muséums d’histoire naturelle du XIXe, peut-être à l’origine d’une certaine conscience écologique, j’ai principalement retenu la « scène gothique » (vers 1830) de Louis Daguerre, inventeur du diorama et les réalisations de Jean Paul Favand, restaurateur de dioramas du XIXe.
Anselm Kiefer Tatiana Trouvé
Toutefois, la postérité contemporaine du diorama m’a semblé plus percutante. Anselm Kiefer déploie ainsi une proposition tout à la fois remarquable, poétique et inquiétante, « niches » pleines de forêts enneigées où s’inscrivent les étapes d’une vie allemande et se retrouvent des figures chères à Kiefer : Prométhée, Rimbaud (le dormeur du val), Heidegger (le cerveau) etc. Les dioramas contemporains perdent leur sens conservatoire pour révéler les conséquences d’une urbanisation massive, du dérèglement climatique et spirituel. En témoigne admirablement la proposition de Tatiana Trouvé où le spectateur, par le jeu des miroirs, n’est plus au centre de la vision et où les frontières du réel se dissolvent, perturbant le dispositif optique, stable, du diorama.
Hiroshi Sugimoto Robert Gober
La photographie et la vidéo sont également bien représentées avec « la town » de Cao Fei, exposée lors de la biennale de Venise de 2015, œuvre d’une grande qualité technique et d’une grande force visuelle, pouvant incarner -par le recours aux maquettes et la multitude de références culturelles- n’importe quelle ville et son avenir tragique, ponctuée de références cinématographiques (le parrain de Francis Ford Coppola, Hiroshima Mon Amour de Marguerite Duras), ainsi que les séries photographiques au scalpel d’Hiroshi Sugimoto ou de Robert Gober, les oeuvres critiques de Diana Fox, Joan Fontcuberta et Sammy Baloji, quelques extraits cinématographiques (Peter Weir, « the truman show ») etc..
Joseph Cornell Ronan Jim Sévellec les bains d’Asnières 1999
A voir également les propositions de Baquié, qui revisite et déconstruit « étant donné » de Duchamp ; Mark Dion, qui propose un diorama- paysage urbain à base de déchets ; Mathieu Mercier, qui met en abyme le diorama en exposant un aquarium contenant des axolotis, entre illusion et représentant du vivant ; ou encore les boîtes de Charles Matton, Joseph Cornell et Ronan Jim Sévellec.
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J’ai par ailleurs relevé, en parallèle des principales expositions, le remarquable travail de mémoire de JR & du duo Osgemeos, « manutention », 2016, réalisé à partir d’images d’archives. Une vidéo retrace l’investissement par les deux artistes des sous-sols du Palais de Tokyo, lieu de stockage de pianos spoliés pendant l’Occupation, par la peinture et le noir de fumée.
A voir également le travail de Gareth Nyandoro, qui détourne des boîtes de bouquinistes des quais de Seine pour en faire le support de portraits dessins de grands footballeurs africains et qu’il prolonge parfois en sculpture tant le papier se déploie dans l’espace d’exposition. Il s’agit pour l’artiste du Zimbabwe de sonder l’influence du football sur la société africaine, « entre émancipation, propagande, développement et corruption ». La technique employée est particulièrement intéressante. Il s’agit du Kuchekacheka (« couper »), incisions précises et imbibées d’encre des couches de papier superposées.