Biennale des photographes du monde arabe 2017

INSTITUT DU MONDE ARABE, Paris, Septembre-Novembre 2017

Moath Alofi, the last tashahhud 2017_biennale des photographes du monde arabes_IMA, Paris_30 septembre 2017

L’institut du monde arabe fête ses 30 ans par deux journées de gratuité ponctuées d’évènements, conférences, concerts. J’avais prévu de consacrer ce samedi après-midi à la biennale des photographes du monde arabe mais me suis laissée surprendre par d’autres propositions. En début d’après-midi le lieu était praticable mais deux heures après, l’affluence était considérable…

Jellel Gasteli, les carnets de Marrakech et de Tanger 2016_biennale des photographes du monde arabes_IMA, Paris_30 septembre 2017

La 2e biennale des photographes du monde arabe se révèle de belle qualité. A l’IMA, j’ai particulièrement retenu les séries et installations photographiques consacrées au paysage. Le tunisien Jellel Gasteli s’inspire, dans « les carnets de Marrakech et de Tanger, 2016 », de manuscrits de l’écrivain Abdelwahab Meddeb sur plusieurs villes et effectue comme un cut-up entre littérature et photographie. Il en résulte des propositions quasi abstraites d’une grande sensibilité et délicatesse de textures et de couleurs.

Moath Alofi, d’Arabie saoudite, déploie principalement au sol une installation photographique, “the last tashahhud” (la dernière prière), 2017, consacrée à des mosquées abandonnées sur la route de Médine, l’une des villes du prophète. Des bâtis épurés, pauvres, capturés frontalement dans un paysage désert et solitaire. La série « temps dérivé », 2017 de la tunisienne Souad Mani, sonde les possibilités de la photographie mobile. Les paysages se succèdent, violemment contrastés et denses, parfois à la limite du flou. Le tunisien Zied ben Romdhane, dans « west of life », évoque une région minière au sud ouest de la Tunisie. Une série qui alterne paysages arides et sombres et « portraits » en stase, instants suspendus dans un équilibre précaire des plus poétiques.

L’égyptien Karim El Hayawan, dans « Cairo Cacophony », propose un patchwork d’images prises au Caire, défilant au rythme accéléré ou lent d’une musique pop ou classique locale, à l’image de la diversité visuelle et sonore de la ville. A noter également la série de l’algérien Bruno Hadjih consacrée au paysage et à la population contaminés par un essai nucléaire français, en 1962, les portraits puissants dans leur épure, se détachant violemment d’un fond noir, de dos, du tunisien Douraïd Souissi, le travail d’Héla Ammar, Jungjin Lee ou de Jaber Al Azmeh sur la situation migratoire et le résultat des guerres au Moyen Orient etc.

La biennale des photographes du monde arabe se poursuit galerie Clémentine de la Féronnière avec l’impressionnante série, « Interzone » (référence à William Burroughs), de Marco Barbon, consacrée à Tanger, « ville frontière par excellence » selon Barbon, frontière tant géographique que symbolique entre réalité et fiction. Les paysages urbains de Barbon se veulent un portrait imaginaire de la ville, nourri de références littéraires ou cinématographiques. Des images très épurées, sciemment incomplètes, évoquant une absence. Des compositions d’une grande rigueur et d’une grande qualité dans le jeu des lignes et l’équilibre, le dialogue des couleurs.

La cité internationale des arts accueille dans le cadre de la biennale une exposition collective de photographes algériens. Rouchiche Nassim, dans la série « ça va waka », s’intéresse aux sous-sols d’une « cité radieuse » d’Alger habitée par des migrants subsahariens, silhouettes au bord de la disparition par le temps d’exposition retenu, comme dévorées par l’architecture froide alentour. Hamid Rahiche s’intéresse également à une cité d’Alger, utopie devenue un ghetto surpeuplé où le photographe a grandi et dont il capture des instants authentiques et sensibles. Rezaoui Hakim propose une série de paysages chargés de poésie et de pensée, d’atmosphères, « a way of life », jouant sur les flous et les formes. Debda Ahmed Badreddine narre « l’histoire de l’homme à la djellaba », symbole de l’étranger, de l’errant. Tidafi Karim-Nazim, dans la série « aperto libro », capture les algériens, actifs, à bord des transports en commun d’Alger. Dommage que la luminosité des salles gêne grandement l’appréciation de certaines séries.

La galerie Binôme accueille une installation singulière, entre science et art, photographie, vidéo et hologramme, de Mustapha Azeroual et Sara Naim, réalisée à partir des archives photographiques de l’observatoire de Paris. Un travail expérimental sur la lumière, dont il s’agit d’éprouver la matérialité, la couleur, l’abstraction. Certaines pièces développent la notion de glitch, glissement et altération d’images d’archive numérique. Daniel Aron investit la galerie Photo 12 à travers une série consacrée à des intérieurs de Tanger où une certaine beauté et spiritualité émanent parfois d’un quotidien pauvre et matériel et de détails insignifiants, intérieurs des migrants venus des campagnes, recréant un monde coloré avec de minuscules moyens.

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Author: Instant artistique

Conservateur de bibliothèque. Diplômée en Histoire et histoire de l'art à l'Université Paris I et Paris IV Panthéon-Sorbonne. Classes Préparatoires Chartes, École du Patrimoine, Agrégation Histoire. Auteur des textes et de l'essentiel des photographies de l'Instant artistique, regard personnel, documenté et passionné sur l'Art, son Histoire, ses actualités.

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