
Grande Galerie, LOUVRE, Paris, 13 octobre 2021 – 10 janvier 2022
En hommage à Christian Boltanski, décédé le 14 juillet dernier, plusieurs musées accueillent dans leurs espaces quelques unes de ses œuvres. Ainsi, le Louvre présente-t-il au cœur de la Grande Galerie, face aux toiles de Vinci, une œuvre majeure du musée d’art moderne, les Archives de Christian Boltanski, 1965-1988, une installation achevée en 1989, constituée de plus de 600 boîtes à biscuits en fer blanc vieilli, teintées par la rouille, empilées et remplies de photographies et de documents et éclairées par des lampes de bureau. L’ensemble se révèle tout à la fois imposant et discret ; imposant avec ses trente-deux colonnes de boîtes empilées sur vingt rangées soit près de sept mètres de long et trois mètres de haut, 35 centimètres de profondeur ; discret par ses couleurs passées, son caractère mural.
Par-delà le travail d’archivage et la dimension autobiographie de l’installation, on ne peut que relever sa qualité formelle, son épure minimaliste et l’étonnante beauté qui se dégage de ces contenants pourtant dégradés par le temps, dramatisés par l’éclairage conçu par l’artiste. Elle dialogue tout à la fois avec l’espace d’exposition et le spectateur, l’artiste rappelant implicitement la dimension humaine et sacrée de tout travail mémoriel, incitant à la méditation. Si la lumière peut rappeler des reliquaires, la précarité de la vie face au travail de mémoire, elle évoque également, par le choix des lampes, les archives des sous-sols institutionnels où sont classés les détails de la vie d’un individu ou plus tragiquement la surveillance étroite, la froide collecte de renseignements, pesant sur les citoyens de l’Allemagne de l’Est à l’époque de la Stasi. La muralité de l’œuvre renverrait alors au mur de Berlin, tombé la même année.

Le matériau premier de l’œuvre, la boîte à biscuits, -que Boltanski a déjà utilisé précédemment, par exemple dans Essai de reconstitution (trois tiroirs) où il empile trois boîtes dans lesquelles il renferme des sculptures reproduisant des jouets de son enfance, 1970-1971-, incarne tout à la fois pour lui l’enfance, la boîte à trésors et l’idée de classement -le temps qui passe et la conservation du passé-. Il s’agit toutefois dans les Archives de souvenirs de sa vie d’artiste et non plus de son enfance. Présente et absente, la vie de Boltanski ici remémorée est à la fois singulière et universelle.
Détail, Christian Boltanski, les Archives de Christian Boltanski, 1989_ Grande Galerie du Louvre, Paris_14 octobre 2021 A titre de comparaison (hors exposition), Essai de reconstitution (trois tiroirs), 1970-71
Il s’agit à ses yeux de « garder une trace de tous les instants de notre vie et de tous les objets qui nous ont côtoyés », une collection de souvenirs invisibles issus de l’atelier de l’artiste, de ses activités quotidiennes les plus infimes, toutefois à l’abri des regards, exposée mais inaccessible, comme dans sa mémoire. Un mémorial à la vie ordinaire, un essai de ressusciter le passé et de lutter contre l’oubli et la finitude en en reconstituant minutieusement les traces. De fait, pour Boltanski, il est nécessaire d’entretenir le souvenir pour rester vivant, l’homme sans passé ne pouvant vivre dans le présent.
Les Archives constituent une œuvre essentielle de Boltanski, qui après s’être intéressé à la mémoire individuelle, abordera dans ses œuvres une mémoire plus collective, particulièrement celle de la Shoah.
https://www.theartnewspaper.com/2021/10/06/christian-boltanski-exhibitions



