
L’église st Louis des Français, église nationale de France à Rome, dédiée à la Vierge, à St Denys l’Aéropagite et à st Louis, a été dessinée par Giacomo della Porta et édifiée par Domenico Fontana entre 1518 et 1589. Quelques œuvres sont dignes d’attention : une fresque de Charles Natoire sur la voûte (un quadro riportato représentant la mort et la gloire de st Louis), une Assomption de Bassano sur l’autel majeur et une chapelle ornée par Domenichino entre 1611-1615 dédiée à st Cécile (cappella Polet), avec la copie de la ste Cécile de Raphaël par Guido Reni au centre et des scènes de la vie de la sainte (la mort de ste Cécile, la distribution des biens aux pauvres, le martyre, la gloire de la sainte sur la voûte, ste Cécile devant le juge) avec nombre de références à l’antique et à Raphaël (cartons des actes des Apôtres) et une forte structuration des compositions, sereines, par l’architecture, un décor de stucs dorés et de pilastres. Aucune toutefois n’atteint la puissance et la beauté de la cappella Contarelli confiée au pinceau du Caravaggio.
A la mort du français Matteo Contarelli, son exécuteur testamentaire, Virgilio Crescenzi et son fils entreprennent la décoration d’une chapelle acquise à st Luigi dei Francesi. Il commande une statue de st Matthieu et l’ange pour l’autel majeur et un cycle de fresques pour les murs et la voûte au cavalier d’Arpin. Ce-dernier réalise la décoration de la voûte (1591-1593) mais les murs sont finalement, pour deux d’entre eux, confiés à Caravaggio en 1599 (la Vocation et le Martyre de st Matthieu). La statue prévue ne donnant pas satisfaction, le décor de l’autel est également confié, en 1602, à Caravaggio, dont la première toile, St Mattieu et l’ange, est refusée. Quoique la chapelle Contarelli, située tout près du chœur de l’église, soit particulièrement sombre, les trois œuvres dépeintes par Caravaggio sont magistrales et emblématiques de son traitement unique des ombres et des lumières.
En passant, Jésus vit Lévi, le fils d’Alphée, assis au bureau de la douane, et lui dit « suis-moi ». Et, se levant, il le suivit.
Evangile selon st Marc
Réalisée en pendant du « Martyre de st Matthieu » placée sur le mur opposé, en 1599-1600, la Vocation de st Matthieu est l’une des œuvres les plus fascinantes de Caravaggio et sa première commande religieuse d’importance. Le sujet est par ailleurs tout à fait adapté à la France, Henri IV venant tout juste d’abjurer le protestantisme. L’artiste doit se plier à un certain nombre de recommandations iconographiques du commanditaire, feu Mathieu Cointrel. Ainsi, Matthieu se tourne-t-il vers le Christ comme s’il allait se lever sous l’effet de la stupeur, selon les souhaits de Cointrel. Toutefois, l’artiste brise les schémas traditionnels en mêlant un décor de taverne et de tables de jeu à une scène sacrée, quoiqu’il y ait des précédents flamands. C’est par ailleurs dans cette œuvre que s’affirme de façon décisive le luminisme du peintre qui lui permet d’atteindre une charge dramatique et une monumentalité nouvelles. Un chiaroscuro pleinement assuré, rendant la couleur substantielle, modelant et agitant les formes, conférant profondeur et unité à la composition.
Le collecteur d’impôts Lévi (qui deviendra st Matthieu), entouré de quatre assistants, éclairés par une source en haut à droite de la composition –à l’inverse du Martyre-, compte, assis à une table, les recettes du jour tandis que le Christ, avec pour seul signe de divinité une discrète auréole, entre par la droite d’un geste majestueux, la tête de profil, le visage enténébré, accompagné de st Pierre, et le désigne d’un geste d’autant plus frappant que lent, de la main droite. Surpris par l’intrusion et sans doute la lumière qui afflue de la porte entr’ouverte, ce-dernier recule et se désigne de la main gauche comme incertain d’être l’objet de la sommation. Sur la gauche, deux des assistants, inspirés d’une gravure de Hans Holbein de 1545, ne sont pas conscients de la présence du Christ, se condamnant par la même occasion, tandis que les deux autres, placés au centre de la composition, semblent vouloir réagir mais sont arrêtés par un geste ferme de st Pierre, situé entre le Christ et nous, médiateur entre Dieu et les hommes. C’est précisément dans cet instantané dramatique, silencieux, indécis, que réside la puissance de l’œuvre, comme si Le Christ avait suspendu l’action de son geste impérieux et que l’assemblée était trop abasourdie pour réagir même si, l’instant suivant Levi, se lèvera pour le rejoindre.
Caravaggio opte pour un éclairage complexe qui projette sur la scène, d’en haut et par la droite, une lumière quasiment palpable et chaude, laissant toutefois le regard du Christ, comme la zone au-dessus de la table, dans l’ombre mais dessinant avec une grande netteté les profils des autres protagonistes. Un effet d’instantané sur un évènement hors du commun sinon surnaturel, l’instant fulgurant de la conversion. Accompagnant le rai de lumière, le geste du Christ désignant son futur apôtre acquiert la même intensité, la même efficacité que celui par lequel il désigne à Pierre le lac dans le Tribut de la chapelle Brancacci (Masaccio), ou que l’index que Dieu tend vers Adam au plafond de la Sixtine (Michel-Ange). Mais là s’arrête le parallèle car paradoxalement, Caravaggio parvient à une expression du sentiment religieux totalement inédite.
L’ordonnancement simple de la composition, deux diagonales se croisant et conduisant au cœur de l’évènement, n’en est pas moins d’une redoutable efficacité, la perspective nous impliquant profondément. L’artiste a structuré sa composition par un rectangle vertical (le Christ et st Pierre) et un bloc horizontal (Lévi et ses assistants autour de la table). Les costumes (intemporels pour les premiers, contemporains pour les seconds) et le vide entre les deux groupes, entre l’humain et le divin, entre le péché et la grâce, amplifient le contraste tout en mettant en exergue le geste du Christ –repris par St Pierre et Lévi- qui unifie formellement et psychologiquement la scène, d’autant que la plupart des regards convergent vers lui. La lumière est tout aussi minutieusement dispensée : une fenêtre recouverte de toile cirée diffuse une lumière diffuse, une source de lumière latérale frappe ceux qui sont sur le point d’être convertis, une autre source de lumière, quelque peu miraculeuse, accompagne le Christ, qui se tient dans une demi-obscurité, et st Pierre. Une zone sombre s’étend, menaçante, au-dessus de la table. Caravaggio obtient dans cette œuvre une synthèse inédite entre la forme et le sens, la couleur et la lumière.
Martyre de st Mathieu, San Luigi dei Francesi, Roma_28 juillet 2021 A titre de comparaison, Tintoret, st Marc secourant un esclave, 1548
Sur le mur opposé, le Martyre de st Matthieu est le premier tableau réalisé par Caravaggio pour la cappella Contarelli. La scène se situe dans une église, quoique l’architecture soit tout à fait secondaire ici, sur des marches menant à un autel orné d’une croix grecque et d’une bougie. De part et d’autre, au premier plan, les corps dénudés et musclés d’hommes assis ou accroupis bordent la composition comme des dieux fleuves de reliefs antiques, figures-repoussoirs relevant du vocabulaire maniériste. Semblant sortir du fond du tableau, le protagoniste principal, à demi nu, n’est pas le martyr, mais son bourreau, furieux et brutal. De fait, Caravaggio représente l’instant du martyre. St Pierre, vieil homme barbu vêtu d’une aube et d’une chasuble, est à terre, impuissant, tentant vainement de résister, tandis que son bourreau, jeune homme herculéen, saisit son poignet pour l’immobiliser avant de le frapper à mort. Un ange descend du ciel, sur une nuée, et tend la palme du martyre. Sur la droite, un enfant de chœur s’enfuit en hurlant.
D’une remarquable puissance dramatique, la composition est marquée par deux diagonales sur lesquelles sont disposés les personnages. Trois d’entre eux sont encerclés par ceux qui assistent, effarés, à la scène, disposition circulaire accentuée par la lumière qui vient latéralement de la gauche, dessinant leurs profils et révélant l’action. On peut noter l’influence du Titien de la Mort de st Pierre martyre (perdue) dans le groupe principal, celle du Tintoret (St Marc secourant un esclave) dans la composition mouvementée, les personnages semblant s’enrouler autour d’un axe, la lumière balayant les personnages, ainsi que des emprunts à Raphaël. Toutefois, l’approche du Caravaggio dans la Vocation et le Martyre est tout à fait inédite et bouleversante. Les évènements sacrés sont saisie dans leur évidence physique et spirituelle grâce à une lumière latérale qui met en exergue les éléments majeurs de la composition selon les exigences expressives de l’artiste.
La décoration du maître-autel a donné lieu à plusieurs refus. La sculpture de st Matthieu et l’ange initialement prévue et confiée à Gerolamo Muziano puis à Cobaert ayant été jugée insatisfaisante, le commanditaire confia à Caravaggio, en 1602, la réalisation d’un retable. Une première version, trop novatrice et audacieuse, fut également rejetée. L’œuvre, conservée à Berlin, a été détruite pendant la seconde guerre mondiale. Caravaggio y représentait saint Matthieu comme un travailleur las, les mains lourdes, les pieds nus et noirs de poussière, le front plissé, en train d’écrire l’évangile, tout près d’un ange adolescent lui soufflant la Parole et guidant sa main inexpérimentée comme un maître avec son élève. Une scène jugée insuffisamment digne pour exprimer l’inspiration divine, en dépit de sa grande qualité picturale, de la finesse et du naturel d’exécution, de la plénitude et de la fermeté du modelé, du formidable contraste entre les ailes d’un blanc admirable de l’ange et le fond obscur qui isole les figures, entre le visage charmant de l’ange à la belle chevelure bouclée et le crâne chauve et rugueux du saint .
Jugée plus convenable et indéniablement plus canonique, la seconde version, actuellement présente dans la chapelle, dépeint le saint en train d’écrire, debout au-dessus de la table, un genou sur son tabouret en déséquilibre, un pied dans le vide, la tête tournée vers l’apparition angélique qui énonce sur ses doigts –conformément à la tradition scolastique- les arguments que le saint doit développer. La composition se déploie en une spirale constituée par le corps contorsionné du saint et l’admirable jeu des drapés blanc de l’ange et brun-rouge du saint beaucoup plus couvert que dans la première version. Le point de vue adopté, bas, donne de la profondeur à la perspective de la table et un grand relief au livre.
Peu après les sublimes toiles de san Luigi dei Francesci, Caravaggio se consacre à la décoration de la cappella Cerasi à Santa Maria del Popolo (1600-1601), également placée près du choeur. L’artiste est cette fois confronté à son grand concurrent, celui qui incarne en ce temps d’épuisement du maniérisme, l’autre tendance possible, celle d’une nature idéalisée, face au naturalisme cru et au chiaroscuro du Caravaggio, même si un Rudolf Wittkower notamment (Art et architecture en Italie 1600-1750, Hazan, 1991) a nuancé leur antagonisme, remarquant par exemple que l’un comme l’autre lie dans leurs œuvres la maniera et l’étude d’après le modèle vivant, le recours à des physionomies populaires dans des scènes religieuses et que bien qu’il s’inscrive davantage dans une grande tradition picturale que Caravaggio –tradition qu’il entend restaurer-, Carracci n’en est pas moins novateur.
Dans la chapelle Cerasi, se côtoient ainsi la conversion de saint Paul, la crucifixion de saint Pierre du Caravaggio –deux évènements majeurs des fondateurs du siège romain- et, sur le maître-autel, encadré par deux colonnes corinthiennes de marbre noire, l’Assomption de la Vierge d’Annibal Carrache (1600-1601) où se ressent l’influence de la Transfiguration de Raphaël. Les œuvres de Caravaggio ont peu de rapport avec les couleurs vives et lumineuses de l’artiste bolonais, ses tons de terre dominants contrastent avec le bleu et le rouge puissant de l’Assomption, ses corps puissamment renversés et dramatiques, avec les attitudes stylisées de la Vierge, les bras tendus parmi les anges et de st Pierre et st Paul en bas, devant le sépulcre, réunis en une structure pyramidale.
Dans la crucifixion de st Pierre, Caravaggio resserre la scène autour de ses principaux protagonistes, le saint et ses trois bourreaux, ce qu’accentue l’arrière-plan sombre tandis que les personnages sont en pleine lumière. Le saint, impuissant, le corps renversé, apparaît comme un vieil homme que traînent sur sa croix trois individus anonymes –deux sont représentés de dos, le regard du troisième demeure dans l’obscurité-, rudes mais non hostiles, le visage caché ou détourné. L’artiste rappelle ainsi, par la laideur banale des mouvements des bourreaux, leur force mécanique, que la mort de l’apôtre est une exécution misérable et humiliante et non un drame héroïque. L’instant dépeint est celui où st Pierre est élevé dans la position indigne dans laquelle il sera crucifié, la tête en bas. Il n’y a ni effusion de sang, ni souffrance manifeste et une grande économie de moyens qui semble mettre l’accent sur ce qui seul importe à cet instant, la foi.
La composition, d’une grande force, est structurée par les diagonales des quatre corps qui remplissent et animent de leur opposition l’espace d’une sensation de mouvement. Au premier plan, l’un des bourreaux est agenouillé, de dos, le second passe la corde aux pieds du saint, le troisième, de dos également, se penche pour soulever la croix. Les corps des bourreaux, déformés par un puissant raccourci perspectif, repliés, compacts, s’opposent au corps étendu, dénudé, du saint. Leurs musculatures puissantes, leur peau ferme, en pleine maturité, contraste avec l’anatomie et la structure de la peau d’un homme âgé.
9, 3 Il faisait route et approchait de Damas, quand soudain une lumière venue du ciel l’enveloppa de sa clarté.
9, 4 Tombant à terre, il entendit une voix qui lui disait: « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? »
9, 5 « Qui es-tu, Seigneur? » Demanda-t-il. Et lui: « Je suis Jésus que tu persécutes.
9, 6 Mais relève-toi, entre dans la ville, et l’on te dira ce que tu dois faire. »
9, 7 Ses compagnons de route s’étaient arrêtés, muets de stupeur: ils entendaient bien la voix, mais sans voir personne.
9, 8 Saul se releva de terre, mais, quoiqu’il eût les yeux ouverts, il ne voyait rien. On le conduisit par la main pour le faire entrer à Damas.
9, 9 Trois jours durant, il resta sans voir, ne mangeant et ne buvant rien.
Bible de Jérusalem, Actes des Apôtres
Caravaggio, Conversion de st Paul, Cappella Cerasi, santa Maria del Popolo Pour comparaison, Conversion de st Paul_Odescalchi Balbi Collection, Rome
Sur le mur opposé, Caravaggio réalise une œuvre encore plus admirable. S’il respecte le texte biblique, Caravaggio n’en déduit pas moins une composition tout à fait singulière et stupéfiante. Le saint est renversé au premier plan, abasourdi, les yeux fermés, comme ébloui par l’éclat de la lumière divine, les bras dressés, l’épée abandonnée, dans un violent raccourci, dominé par la silhouette puissante du cheval duquel il vient de tomber, tenu par un palefrenier. Selon Bellori, le peintre passe à côté de l’essentiel dans cette scène « entièrement sans action » mais en réalité, le drame est intériorisé dans l’esprit de Saul, l’illumination est intérieure.
Caravaggio a dépeint deux versions de la Conversion. La première, beaucoup plus conventionnelle et cependant refusée, est conservée au sein de la collection Odescalchi Balbi de Rome (il s’agit peut-être d’une copie). La position de Saint Paul et du Christ, le mouvement du cheval, témoignent de l’influence de la fresque de Michel-Ange qui représente le même sujet dans la chapelle Paolina, avec un cheval cabré au centre flanqué de deux groupes agités tandis que le Christ plane au ciel, et que le saint semble modelé sur un dieu-fleuve antique. La seconde version, actuellement présente dans la cappella Cerasi, produit un tout autre impact émotionnel en se limitant à l’essentiel, au point de négliger la disposition logique et le lien rationnel entre les personnages : on ignore ainsi où se trouve le pied droit du saint et comment les jambes du palefrenier se rattache à son corps. La pose du saint, ses bras ouverts, son corps en diagonal plongeant dans la profondeur de l’œuvre, implique violemment le spectateur.
Pour comparaison, Dürer, le grand cheval Pour comparaison, Michel-Ange, la conversion de st Paul
La composition se fonde sur le mouvement rotatif de ses différentes composants, depuis st Paul jusqu’à l’arrière-train et aux jambes du cheval apeuré et au palefrenier. Les éléments plastiques se détachent puissamment sur un fond noir, nuit profonde et efficace. Caravaggio accentue la réalité de chair et d’os de l’animal, la maladresse du palefrenier, la robustesse de Saul, plus jeune que dans la première version et vêtu d’une armure de cuir romaine qui épouse les contours de son corps. La lumière, symbole de la présence divine, de la grâce, devient le véritablement protagoniste du drame. Elle terrasse Saul –évènement dont l’importance trouve un écho dans le brusque écart du cheval- et lui révèle la voie de la vérité. Le cheval, peut-être inspiré de la gravure de Dürer, 1505, est la représentation du terrestre, de l’irrationalité du péché maîtrisée par la raison (le palefrenier) par opposition à la lumière divine qui se reflète sur les rouges du manteau où est étendu Paul.
La chiesa santa Maria del Popolo conserve d’autres chefs-d’œuvres : les oeuvres de Bernini dans la cappella Chigi, créée par Raffaello, celles de Pinturicchio, Bregno (Monument du cardinal Cristoforo della Rovere, 1479) et Mino da Fiesole (relief de la Vierge à l’enfant, attribution) dans la cappella della Rovere, voûtée en berceau, articulée par des pilastres, conçue par Bramante en 1505-1507.
La cappella Chigi a été réalisée entre 1513 et 1515. Très simple de l’extérieur –un cube oblong de briques apparentes surmonté d’un tambour cylindrique percé de fenêtres et d’un dôme couronné d’un petit lanternon de pierre-, la chapelle, qui suit le projet de Bramante pour le dôme de st Pierre, se révèle, à l’intérieur, originale et érudite (revêtements des murs de multiples marbres colorés et motifs, chapiteaux corinthiens, coupole ornée de mosaïques avec Dieu le père entouré d’un ange, en raccourci, dans un geste impérieux et les personnifications des planètes qu’il anime…)., témoignant du désir de l’artiste d’égaler la beauté des monuments antiques. Le décor de la coupole, néoplatonicien, évoque l’ascension de l’âme attirée par l’amour divin.
L’autel, qui représente la Naissance de la Vierge, œuvre de Sebastiano del Piombo achevée par Salviati, est flanqué de deux sculptures de Bernini, également auteur des deux tombeaux Chigi : Daniel et le lion, Habacuc et l’ange (1655-1661). Les deux groupes sculptés, inspirés du livre de Daniel inclus dans la Vulgate, reflètent l’évolution du style de l’artiste, un certain allongement du corps, des expressions simplifiées mais emphatiques. Dans le groupe de droite, un ange de toute beauté, difficilement contenu dans la niche, tend le doigt pour indiquer à Habacuc, interloqué, sa nouvelle destination (au lieu d’apporter du pain aux moissonneurs, il devra nourrir Daniel à Babylone). Dans l’esprit du projet de Raphaël, Bernini respecte la stricte symétrie établie entre les prophètes sculptés (les deux autres groupes étant l’œuvre de Lorenzetto sur les dessins de Raphaël) et reprend l’attitude d’Elie, assis, les jambes écartées, le bras droit en travers de la poitrine.
Si le Daniel et le lion est difficile à contempler étant donné que l’on ne peut entrer dans la chapelle, sa silhouette serpentine que souligne le mouvement souple d’un drapé enroulée autour de ses épaules et ramenée sur la cuisse, témoigne de l’influence de Michel-Ange et l’artiste s’inspire, comme le Jonas imaginé par Raphaël, des portraits antiques (Alexandre le Grand). Daniel, les mains jointes, une flèche pointée vers le ciel, prie désespérément pour son salut.
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