MAISON ROUGE, Paris, Février-Mai 2017

Je n’irai pas jusqu’à qualifier l’exposition « l’esprit français, contre-cultures » à la Maison Rouge de décevante partant que l’on pouvait s’attendre, étant donné le sujet couvert, à une proposition des commissaires Guillaume Désanges et François Piron plus documentaire qu’esthétique et que c’est bien ce qui ressort de cette multitude d’affiches, unes de journaux, extraits d’émissions télévisuelles, livres etc. Certes, l’esprit de révolte, viscéralement ancré dans le présent (« no future ») –à l’instar de l’esprit révolutionnaire si l’on songe au serment du Jeu de Paume laissé inachevé par David- se prête peu à la création d’œuvres « pérennes ». Il n’en demeure pas moins qu’à quelques exceptions près -et de remarquables exceptions- les œuvres présentes ne sont guère convaincantes.

Annette Messager, les hommes-femmes et les femmes-hommes 1972 
Claude Lévêque, conte cruel de la jeunesse 1987 2017
Parmi ces exceptions : quelques œuvres d’Annette Messager travaillant sur l’identité sexuelle, une installation de Claude Lévêque en hommage à Bérurier noir, « conte cruel de la jeunesse », où l’artiste, dans une ambiance musicale rock, disperse des couvre-chefs et masques de tout type derrière des grillages, sur un sol parsemé de débris de verre, des œuvres assez fortes de Michel Journiac et notamment le « piège pour une exécution capitale » (1971), installation évoquant le dernier parcours d’un condamné jusqu’à la guillotine, quelques années avant la suppression de la peine capitale en France, accompagnée d’une performance vidéo etc.

Jacques Monory, Antoine n6 1973 
Journiac, piège pour une exécution capitale 1971
Certes, l’ensemble permet une plongée dans les années 1970’-80’ : les derniers échos de l’esprit de mai 68 marqué par un mélange d’utopisme et de nihilisme, de subversion et d’insolence, d’humour et d’érotisme allant jusqu’à une convocation de l’héritage de Sade comme incarnation d’un athéisme radical et d’une liberté infinie, le développement du mouvement homosexuel et du féminisme ou les suites d’une certaine libération sexuelle, un esprit libertaire contre les symboles du pouvoir : le politique, l’armée, l’Eglise dont témoignent les couvertures d’Hara-Kiri comme la candidature de Coluche aux présidentielles, une dénonciation des phénomènes d’aliénation à l’œuvre dans le monde du travail, l’école, les prisons, une certaine dépolitisation à partir du milieu des années soixante-dix et l’affirmation de modes d’existence alternatifs, une évolution de la banlieue de l’utopie à la dystopie, de l’espoir à la menace, de la non-violence hippie à l’agressivité punk…Quoi qu’il en soit, s’il s’agissait de démontrer que c’est dans les marges que la France produit ce qu’elle a de meilleur, le résultat laisse à désirer.





