Contre-cultures à la française

MAISON ROUGE, Paris, Février-Mai 2017

Claude Lévêque, conte cruel de la jeunesse, 1987 2017_contre cultures_Maison Rouge, Paris_9 mars 2017

Je n’irai pas jusqu’à qualifier l’exposition « l’esprit français, contre-cultures » à la Maison Rouge de décevante partant que l’on pouvait s’attendre, étant donné le sujet couvert, à une proposition des commissaires Guillaume Désanges et François Piron plus documentaire qu’esthétique et que c’est bien ce qui ressort de cette multitude d’affiches, unes de journaux, extraits d’émissions télévisuelles, livres etc. Certes, l’esprit de révolte, viscéralement ancré dans le présent (« no future ») –à l’instar de l’esprit révolutionnaire si l’on songe au serment du Jeu de Paume laissé inachevé par David- se prête peu à la création d’œuvres « pérennes ». Il n’en demeure pas moins qu’à quelques exceptions près -et de remarquables exceptions- les œuvres présentes ne sont guère convaincantes.

Parmi ces exceptions : quelques œuvres d’Annette Messager travaillant sur l’identité sexuelle, une installation de Claude Lévêque en hommage à Bérurier noir, « conte cruel de la jeunesse », où l’artiste, dans une ambiance musicale rock, disperse des couvre-chefs et masques de tout type derrière des grillages, sur un sol parsemé de débris de verre, des œuvres assez fortes de Michel Journiac et notamment le « piège pour une exécution capitale » (1971), installation évoquant le dernier parcours d’un condamné jusqu’à la guillotine, quelques années avant la suppression de la peine capitale en France, accompagnée d’une performance vidéo etc.

Certes, l’ensemble permet une plongée dans les années 1970’-80’ : les derniers échos de l’esprit de mai 68 marqué par un mélange d’utopisme et de nihilisme, de subversion et d’insolence, d’humour et d’érotisme allant jusqu’à une convocation de l’héritage de Sade comme incarnation d’un athéisme radical et d’une liberté infinie, le développement du mouvement homosexuel et du féminisme ou les suites d’une certaine libération sexuelle, un esprit libertaire contre les symboles du pouvoir : le politique, l’armée, l’Eglise dont témoignent les couvertures d’Hara-Kiri comme la candidature de Coluche aux présidentielles, une dénonciation des phénomènes d’aliénation à l’œuvre dans le monde du travail, l’école, les prisons, une certaine dépolitisation à partir du milieu des années soixante-dix et l’affirmation de modes d’existence alternatifs, une évolution de la banlieue de l’utopie à la dystopie, de l’espoir à la menace, de la non-violence hippie à l’agressivité punk…Quoi qu’il en soit, s’il s’agissait de démontrer que c’est dans les marges que la France produit ce qu’elle a de meilleur, le résultat laisse à désirer.

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Author: Instant artistique

Conservateur de bibliothèque. Diplômée en Histoire et histoire de l'art à l'Université Paris I et Paris IV Panthéon-Sorbonne. Classes Préparatoires Chartes, École du Patrimoine, Agrégation Histoire. Auteur des textes et de l'essentiel des photographies de l'Instant artistique, regard personnel, documenté et passionné sur l'Art, son Histoire, ses actualités.

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