La cathédrale de Parme, édifiée à partir du XIe siècle en remplacement d’une basilique paléochrétienne des IVe-Ve siècles, réunit tout à la fois des chefs d’œuvres médiévaux (chapiteaux romans, lions, déposition d’Antelami, tour reconstruite au XIIIe siècle), un étonnant cycle de fresques de Lattanzio Gambara (1567-73), dans la nef, dont l’aboutissement est l’Ascension du Christ de Bedoli (1538-44), dans l’abside, et la majestueuse Assomption de la Vierge, de Correggio qui orne la coupole.
A l’entrée, un imposant porche soutenu par deux lions de marbre nous accueille, œuvre remarquable de Giambono da Bissone (1281). Il s’agirait d’une référence christique, le Christ comme voie d’accès au salut (« Je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra entrer ; il pourra sortir et trouver un pâturage.», Evangile selon saint Jean, 10, 9). Les lions incarnent la force du Christ, sa capacité à soutenir son Eglise (les lions soutiennent les colonnes du porche) et sa victoire sur la mort (la proie entre les pattes du lion accroupi), la différenciation des deux lions, l’un rouge, l’autre blanc, renvoyant, d’après cette interprétation, à sa double nature, humaine et divine.
Première œuvre majeure de Benedetto Antelami, la déposition du Christ (1178) faisait initialement partie de l’ambon (pupitre à l’entrée du chœur). La scène, quoique d’une grande unité stylistique, est divisée en trois groupes. Au centre, le Christ en croix soutenu par Joseph, à sa gauche, des centurions s’apprêtent à jouer ses vêtements aux dés, une procession de juifs et la représentation de la Synagogue, à sa droite, des pleureuses avec la personnification de l’Eglise. Quoique d’une grande sévérité, la scène a un fort impact dramatique, particulièrement dans le geste d’une grande douceur de Joseph d’Arimathie qui, le visage contre sa plaie, retient le corps du Christ que Nicodème est en train de détacher de la croix et dont la Vierge étreint le bras déjà libéré que soutient l’archange Gabriel. Les formes compactes et fermes des corps s’inspirent de l’antique tandis que le traitement des drapés, le détachement de la Vierge, Jean et des saintes femmes du fond, évoquent les œuvres orfévrées. La déposition annonce l’art de Nicola Pisano et Arnolfo di Cambio.
La nef de la cathédrale, ornée de manière illusionniste par Lattanzio Gambara au XVIe siècle, est impressionnante. L’artiste, marqué par Giulio Romano, déploie de part et d’autre des scènes de la vie du Christ et de l’Ancien Testament. Un arc de triomphe fictif, orné de reliefs et de statues et contrastant avec leur rigidité, conclut ce décor. Là, Bedoli, principal héritier de Parmigianino mais ouvert aux apports stylistiques de Giulio Romano et Correggio, a dépeint le Christ, en gloire mais entouré des symboles de la Passion, parmi des anges et des saints –symbole eucharistique- dans une auréole de lumière (1538-44).
L’œuvre la plus magistrale du Duomo n’en est pas moins l’Assomption de la Vierge de Correggio (1526-30), laquelle ne se révèle que progressivement. Depuis l’entrée, le plafond de la nef dissimule la coupole et seuls paraissent les saints patrons de Parme, sur les pendentifs, Giambattista et San’Ilario (San Bernardo et San Giuseppe ou Tommaso étant représentés sur les deux autres pendentifs) lesquels orientent le regard vers le chœur (Jean-Baptiste embrasse un agneau, symbole christique, tandis qu’Hilaire désigne l’autel). On découvre peu à peu les apôtres sur le rebord du tambour octogonal –espace transitoire entre le plan carré du chœur et le plan circulaire de la coupole-, dans une perspective saisissante, disposés autour du tombeau vide de la Vierge. Certains se protègent les yeux de l’éclat de la lumière divine, d’autres gesticulent. Leurs draperies violemment agitées étoffent leurs corps, donnant du poids à la composition, leurs postures passionnées créent une dynamique accentuée par la lumière. Derrière eux, des anges préparent divers rituels funéraires, brûlant des branches de cyprès, tendant des lampes à huile vers les flammes…
Assise sur un nuage, apparaît alors la Vierge, le corps contorsionné, les bras ouverts, s’élevant vers la lumière, portée par un tourbillon d’anges peuplant des bandes concentriques de nuages, avec sur sa droite, Adam et Eve, l’un touchant la poitrine de sa compagne, l’autre la pomme du péché. La Vierge est ainsi représentée en intercesseur, personnification de l’Eglise, réparant le lien rompu entre l’humain et le divin. Depuis l’espace réservé au clergé seulement, on perçoit le Christ, plus petit pour accentuer l’impression de profondeur, tout de blanc vêtu et part la plus lumineuse de la fresque, planant au-dessus de l’autel, qui descend à la rencontre de sa mère, dans un geste puissant et un raccourci extrême, les jambes nues. L’artiste insiste sur l’incarnation du Christ et sa présence physique dans l’Eucharistie, comme une réaffirmation du dogme catholique contre la Réforme.
Prolongeant les expériences perspectives d’un Mantegna à Mantova, Correggio, usant de la symbolique céleste du dôme et de l’illusionnisme pictural, d’une perspective aérienne magistralement maîtrisée, de la lumière, d’un mouvement tournant impressionnant, transforme la coupole en paradis et insiste sur la réalité palpable du salut. Les figures ascensionnelles se diluent peu à peu dans la lumière centrale, expression de l’immatériel, introduction au mystère spirituel. L’œuvre scandalise par son audace et est tout à la fois profondément novatrice et précurseur des perspectives plafonnantes de l’âge baroque par l’intermédiaire d’un Lanfranco, peintre parmesan. Il crée un espace pictural continu, dominé par la lumière et le mouvement et tel que la coupole semble s’ouvrir sur la vision céleste.