Un peu de rêves et de douceur en ces temps d’isolement contraint…Singulièrement, le thème de l’amour, l’amour tendre, sensuel et charnel, est relativement peu présent dans l’histoire de l’art occidental. Ce qui domine, c’est la souffrance incarnée au premier chef par la Passion du Christ, l’amour maternel à travers la thématique de la Vierge à l’enfant, la violence ou la méditation dans les représentations des martyrs et des saints mais aussi dans nombre de couples mythologiques inspirés d’Ovide, Homère et autres poètes antiques (Vénus et Adonis, Jupiter et Danaë, le rapt de Proserpine etc.).
La représentation de l’amour demeure longtemps indirecte, -reflet de mœurs corsetés par l’Eglise- : le plaisir né de la contemplation de nus peints de toute beauté, l’allégorie, la sensualité d’un visage et d’un corps féminins sous le pinceau d’un Raphaël…même si quelques artistes ont laissé des œuvres, souvent secrètes, beaucoup plus crues, si l’on songe aux Modi d’un Giulio Romano. Un tournant s’opère probablement au XVIIIe siècle, siècle du libertinage et d’un début de déchristianisation qui ne fera que croître par la suite, quelles que soient les résurgences d’ultramontanisme et de jésuitisme au XIXe siècle, et l’on commence à dépeindre des amants sans nécessairement recourir à la mythologie gréco-romaine, à tenter de représenter le sentiment amoureux. Peut-être ce relatif effacement d’un thème primordial de l’Humanité est-il dû au mystère d’un sentiment qui ne peut se réduire ni au plaisir charnel, ni à une forme d’instinct de survie de l’espèce dans la reproduction….
Un sentiment multiforme, de la passion volontiers obsessionnelle sinon destructrice mais également des plus créatrices, investissant l’être d’une énergie, d’une force de vie, d’un sentiment de plénitude totalement incomparables, à un amour peut-être plus posé voire durable, plus réfléchi -si l’amour peut l’être-. Un sentiment quoiqu’il en soit tout à la fois mental et physique, pouvant entraîner un bouleversement physiologique remarquable et irrépressible :
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler.
Racine, Phèdre, I.