De la nécessité de l’Art – 8e jour – Donatello

Donatello, David, bronzo con tracce di dorature, 1440_Bargello, Firenze, juin 2019

Trovasi di bronzo, nel cortile del palazzo di detti Signori, un David ignudo quanto il vivo, ch’a Golia ha troncato la testa, et alzando un piede, sopra esso lo posa, et ha nella destra une spada. Et à la figura in sé tanto naturale nella vivacità e nella morbidezza, che impossible pare a gli artefici che ella non sia formata sopra il vivo.

Giorgio Vasari, « le vite de’ più eccellenti architetti, pittori, et scultori italiani da Cimabue, insino a’ tempi nostri », Einaudi, 1991

Pour débuter cette seconde semaine de confinement, j’évoquerai le joyau du musée du Bargello à Florence, le David en bronze de Donatello, réalisé vers 1440, l’une des sculptures les plus importantes des débuts de la Renaissance italienne. Le sujet a fréquemment été représenté au cours du Moyen-Age : David, appelé auprès du roi d’Israël pour ses talents musicaux, défie le camp ennemi des Philistins en tuant leur champion, le géant Goliath, d’une simple fronde lancée en plein front, et devient le héros du peuple d’Israël. Mais Donatello rompt radicalement avec la description biblique et les représentations antérieures de David en homme barbu, d’âge mur, en sculptant un berger au sortir de l’adolescence, nu, ne portant que des jambières et un singulier chapeau ailé orné de myrte -qui n’est pas sans évoquer Mercure-, lequel lui confère un profil tout à fait saisissant, charge de mystère et de tensions psychologiques et spirituelles son regard tout en atténuant la violence du sujet par une touche pittoresque quoique symbole antique d’héroïsme.

David est représenté après l’action -avec dans ses mains la pierre qui lui a servi à abattre Goliath et l’épée avec laquelle il l’a décapité-, le corps empreint, quel que soit l’angle de vue, d’une sensualité envoûtante, accentuée par la douceur et l’éclat du bronze. Si l’artiste s’inspire de l’idéal praxitélien de par la nudité de son héros et son ample déhanché (chiasme praxitélien, en appui sur la jambe droite, manifeste dans l’Apollon Sauroctone), la vitalité qui l’anime est entièrement nouvelle et le rend plus désirable qu’idéalisé, l’aile emplumée du casque de Goliath qui lui caresse l’entre-jambe apportant une indéniable charge érotique à l’oeuvre. Les formes, les lignes sont remarquablement équilibrées et délicates, soulignées par la lumière qui caresse les reliefs (coudes, épaules, genoux, hanche droite…) tandis que le cou et la jambe droite, en retrait, demeurent dans l’ombre. David, le regard baissé, tout comme son épée, le pied gauche reposant sur la tête tranchée de Goliath, semble pensif comme un Antinoüs, quoique la gracilité de son corps, la féminité de ses courbes, la délicatesse de ses traits, relèvent encore du gothique hérité de son maître Ghiberti. Il s’agit là du premier nu quasiment à taille humaine créé, en bronze, depuis l’Antiquité. Un nu d’une grâce et d’une beauté totalement éblouissantes et qui semble davantage inspiré –comme le suggère Vasari-, par un corps vivant, d’une incroyable fluidité, que par un modèle sculpté malgré son déhanché antique redoublé par l’épée et la posture du bras gauche qui tient encore la pierre.

Michelangelo, David, 1501-1504_Accademia_Florence_15 juin 2019

Une nudité et une jeunesse dont la postérité la plus immédiate sera le David de Michelangelo (Accademia, Firenze, 1501-1504), sans parler du superbe David de Bernini (Galleria Borghese, Roma 1623-1624), même si l’un comme l’autre rompront l’équilibre atteint par Donatello en optant, l’un, pour un monumental David quelque peu maniéré, le second pour un combattant aux lignes dynamiques, aux diagonales marquées, à la chevelure animée, le regard sévère sinon haineux, le corps totalement tendu, saisi juste avant l’acte de mort. L’œuvre de Donatello, probablement commandée par Cosimo il Vecchio de’Medici, fut tout d’abord placée dans la cour du Palazzo Medici-Riccardi puis dans celle du Palazzo Vecchio, érigée sur une colonne de marbre. Elle représente un véritable tour de force technique, l’artiste ayant parfaitement rendu le contraste entre la texture douce de la chair et les détails ciselés de la chevelure dorée. David se charge en outre, à Florence, d’une signification politique particulière, perçu moins comme le héros biblique qu’un modèle de courage et de civisme, puis, après la chute des Médicis, comme un symbole républicain de victoire sur la tyrannie (à l’époque où le David de Michel-Ange prend place à l’entrée du Palazzo Vecchio).

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