De l’immatériel

ESPACE TOPOGRAPHIE DE L’ART, Paris, Septembre – Novembre 2019

Charlotte Charbonnel, astérisme, 2017

Le très bel espace topographie de l’art accueille une exposition collective sur le thème de l’immatérialité, entre visible et invisible, apesanteur et gravité, artificiel et naturel, abstraction et réalité. Une proposition poétique et tout à fait pertinente interrogeant la perception, tant visuelle qu’auditive.

Caroline Corbasson, ancienne étudiante des Beaux-arts de Paris, ouvre le bal avec des sculptures des plus épurées, « sans titre », 2017 et « JWST AFTER THE James Webb space telescope », 2017. L’artiste s’intéresse à la rupture, en vertu d’outils astronomiques de plus en plus performants, entre la perception immédiate d’un individu lambda et celle des scientifiques qui s’interrogent sur la place de l’homme dans l’univers. Quelques pas plus loin, lui répondent les singulières sculptures sonores de Charlotte Charbonnel, « astérisme », 2014. Chaque pièce, constituée d’un globe de verre soufflé placé sur des tiges de métal irrégulières incluant un haut-parleur, reproduit le son d’une étoile de la constellation de la Lyre, l’artiste nourrissant son travail de l’écoute de phénomènes naturels, de l’observation de substances insaisissables, ouvrant le champ des possibles et de l’imaginaire.

Jean Baptiste Caron, exposé récemment à la galerie 22,48m² de Belleville, présente « les secondes devenant des milllénaires n°2 », 2016, poursuivant son œuvre de perturbation de notre perception et de nos certitudes. Les deux pièces, recelant l’empreinte de souffles dans deux plaques de marbre de Carrare surmontées de néon, semblent figer l’invisible dans la matière, l’impalpable dans le minéral, le fugace dans l’éternel. L’artiste vénézuélien Elias Crespin, ancien programmateur informatique, capte quant à lui le regard avec une œuvre tout à la fois simple et efficace, élégante et poétique, « circualineados 248 », 2019, suite de cercles suspendus à des fils en nylon motorisés, se déplaçant lentement dans l’espace, pour composer des formes qui passent imperceptiblement du chaos à l’ordre, à la géométrie la plus pure.

Œuvre plus ancienne mais tout aussi percutante, le « corps d’ombre 27 novembre 1984 », 1984-85, de Vera Rohm, tentative de matérialiser le temps, l’espace, le mouvement et plus précisément de représenter le mouvement des ombres d’un corps géométrique au cours d’une journée, est présenté à proximité de photographies des plus épurées, à mi-chemin entre l’immatériel et le dématérialisé, de Thomas Devaux (« rayon 22.9, parties 1, 2, 3, 4 », 2017) et de deux néons de Jan Van Munster « brainwave ratio », 2008 et « between plus and minus », 2012, travail sur l’énergie, l’électricité…s’efforçant de rendre visible l’invisible. Une exposition réconciliant science et art à travers des approches intelligences, poétiques, qui, en dépit d’une certaine pauvreté apparente, donnent à penser et à contempler.

Vera Rohm, corps d’ombre 27 novembre 1984, 1984 85 et à gauche Thomas Devaux rayon 22.9, parties 1, 2, 3, 4 2017
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Author: Instant artistique

Conservateur de bibliothèque. Diplômée en Histoire et histoire de l'art à l'Université Paris I et Paris IV Panthéon-Sorbonne. Classes Préparatoires Chartes, École du Patrimoine, Agrégation Histoire. Auteur des textes et de l'essentiel des photographies de l'Instant artistique, regard personnel, documenté et passionné sur l'Art, son Histoire, ses actualités.

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