LA MAISON ROUGE, Paris, Juin – Octobre 2018

Le rêve de voler, l’enfance…quelques institutions parisiennes se teintent de thématiques légères et oniriques pour l’été. L’exposition de clôture de la Maison Rouge se penche sur l’acte de voler à travers un ensemble de pièces relevant de l’art contemporain, brut, populaire, ethnographique. Malgré un clin d’œil réjouissant à Bowie et à Fellini pour engager le parcours (« Ground control to Major Tom/Take your protein pills and put your helmet on… », Space Oddity de Bowie ; le début de « la Dolce Vita » de Fellini avec le vol d’une statue du Christ dans les airs), on est loin du beau final que l’on pouvait espérer de la fondation qui fermera définitivement ses portes fin octobre et qui au cours de ses 14 années d’existence a pourtant été l’occasion de belles découvertes (« tous cannibales » et Chiharu Shiota en 2011, « néons, who is afraid of yellow, red and blue », en 2012 etc.).
Les œuvres de qualité semblent perdues parmi nombre de propositions sans grand intérêt, l’art populaire, l’art brut ou encore des objets ou vidéos documentant des expériences de vol performées ou dansées (Loïe Fullet, Nijinski, « Pélican » de Rauschenberg), l’emportant dans la sélection sur des créations plus abouties et d’une esthétique plus stimulante.
Rodtchenko le plongeon et Lev Borodulin Cai Guo-Qiang, hometown sky ladder, 2015 Nobuko Tsuchiya, 11 dimension project 2, 2011
Le propos s’égare également dans des voies assez tortueuses : la proposition des Kabakov de porter quotidiennement des ailes pour devenir meilleur, les plongeons de Rodtchenko ou Borodulin -qui témoignent plus, quelle que soit la prouesse sportive, d’une glorification du corps de l’athlète à l’ère des totalitarismes que d’un désir de voler-, le funambule de Clergue, les photographies « spirites » d’Agnès Geoffray, l’influence des drogues, le photomontage d’extases de Dali pour la revue « Minotaure », les planches extraterrestres de Moebius –pour ne pas évoquer les propositions plus douteuses de Chucho, Janke ou Nelson autour de l’ufologie-, les chimères de Kiki Smith ou de Joel-Peter Witkin, ou encore le vol comme rêve d’ascension cosmique dans la plus belle salle de l’exposition qui regroupe des œuvres de Nobuko Tsuchiya, Cai Guo-Qiang, Stéphane Thidet et Fabio Mauri, toutes formes d’ « hybris », d’essais d’échapper à la pesanteur et aux pesanteurs d’après le commissaire mais aller du vol à la démesure, n’est-ce pas là un peu hors sujet ?
Rodin, l’aile Fabio Mauri Dieter Appelt, canyon à Oppedette pour Marguerite Duras
A noter cependant quelques notes intéressantes telles que « l’aile » de Rodin, le « vélo-hélicoptère » de Gustav Mesmer, les photographies et vidéo de Dieter Appel, Lucien Pelen, Shimabaku et Gino de Dominicis qui se mettent en scène dans des postures de vol ou de saut dans le vide, la mécanique de Nicolas Darrot, contrepèterie sur l’ « apesanteur », la « décomposition du vol d’un goéland » de Marey et, déjà évoquées, la pièce tout en épure, quelque peu aérienne et ovoïde, de la japonaise Nobuko Tsuchiya, « 11 Dimension project 2 » ou enfin les échelles dressées vers l’infini ou vers « the end » de Cai Guo-Qiang et Fabio Mauri, qu’elles soient de cendres ou de bois. Une fin qui nous laisse manifestement sur notre faim.



