La KarlsKirche est probablement la plus belle église baroque de Vienne. Edifiée à la suite de l’épidémie de peste de 1713 sur les plans dressés par Johann Bernhard Fischer von Erlach et dédiée à st Charles-Borromée, elle fut consacrée en 1737. Elle réunit harmonieusement des éléments issus de divers styles et périodes de l’histoire de l’architecture : un portique de temple gréco-romain, deux tours latérales dont la toiture évoque des pagodes asiatiques et les ouvertures des arcs de triomphes, un dôme baroque, deux colonnes massives et autonomes évoquant, de part et d’autre du portique, la colonne Trajane, avec des reliefs représentant la vie du saint dédicataire. L’ornementation sculptée extérieure (statues, reliefs) magnifie tout à la fois le commanditaire (aigle et couronne impériaux) et la foi catholique (allégories de la Foi, de l’Amour, deux anges incarnant l’ancien et le nouveau testaments, st Charles priant, entouré par les vertus de la miséricorde (Pélican), de la pénitence (serpent), de la religion (licorne), de la ferveur religieuse (coq), tout en constituant une action de grâces pour la délivrance du fléau. L’ensemble peut se lire progressivement, depuis la Révélation (anges) et le monde antique et byzantin (temples et colonnes, narthex) jusqu’au dôme, espace central baroque surmonté d’une croix en or rayonnante qui fait écho à l’apothéose de st Charles du choeur.
L’intérieur de l’église, iconographiquement centré sur la Rédemption par le Christ (la guérison du paralytique, la résurrection du fils de la veuve de Naïm…), est en étroite cohérence avec l’extérieur qui évoque le fléau et la mort. Il émane des jeux colorés des marbres et des stucs, des colonnes et pilastres légèrement effilés, des retables ponctuant les chapelles sous le pinceau de Sebastiano Ricci, Martino Altomonte, Daniel Gran ou encore Giovanni Pellegrini, et plus encore de la coupole ovale, une impression de solennité, de joie et de légèreté. Celle-ci, à décor plafonnant, est tout à fait saisissante et l’œuvre de Johann Michael Rottmayr. Elle représente Dieu répondant aux prières de St Charles en mettant fin à la peste entouré d’allégories et de vertus évoquant l’Eglise et l’Eucharistie vainqueurs de Satan et de l’Hérésie, programme parfaitement dans l’esprit de la réforme catholique. A noter que l’église s’ouvre désormais à l’art contemporain et accueillait lors de ma visite « Aerocène » de Tomas Saraceno, deux vastes sphères gonflées d’air placées sous le tambour de la coupole et dont les reflets provoquent une relecture de l’architecture.
Beaucoup plus modeste mais tout aussi somptueuse, la PetersKirche est l’œuvre d’un autre architecte majeur du baroque d’Europe centrale : Lukas von Hildebrandt, formé à Rome auprès de Carlo Fontana et marqué par les réalisations d’un Guarini. Il se distingue d’un Fischer von Erlach en privilégiant les surfaces ondulantes et les enchevêtrements d’espaces aux dépens de volumes clairement définis. L’église fut construite entre 1703 et 1733 à l’emplacement de la première église chrétienne de Vienne et consacrée à la sainte Trinité. La coupole est également ornée à fresque par Johann Michael Rottmayr (Assomption) tandis que le maître-autel, richement stuqué et œuvre d’un spécialiste de l’illusionnisme, Antonio Galli-Bibiena, est centré sur st Pierre et st Jean guérissant un paralytique à la porte du temple de Jérusalem peint par Altomonte.
L’Annakirche, édifice gothique du XVe siècle remanié à l’époque baroque (1629-33) après l’installation d’un noviciat jésuite à proximité, présente un espace intérieur unifié des plus harmonieux avec un plafond peint à fresque en 1751 par Daniel Gran et Franz Josef Wiedon et représentant, sur les retombées les vertus (Justice, Piété, Tempérance, Foi, Espoir, Charité), au centre la gloire de St Anne, la gloire de Marie, mère de Dieu avec la chute des anges rebelles et Jésus envoyé par son Père pour le sa lut du monde, au-dessus de l’autel l’œil de la providence et des putti incarnant les différents continents et évoquant le rôle missionnaire des jésuites.
Vienne dispose toutefois d’une véritable Jesuitenkirche bâtie sur le modèle du Gesù de Rome entre 1624 et 1631 à proximité de l’Université et réaménagée en 1703-1705, par Andrea Pozzo. Ce-dernier est l’auteur de la façade baroque relativement austère qui contraste avec le fastueux décor intérieur du plafond, de la coupole en trompe l’œil à la gloire de l’Eglise triomphante de la réforme catholique, des piliers de faux marbre et colonnes torsadées ou corinthiennes à chapiteaux ou angelots dorés.
Sur la place Am Hof se dresse la majestueuse façade baroque de l’église des Neuf-Chœurs-des-Anges (Kirche Am Hof), fondation du Carmel à la fin du XVIe siècle. L’édifice, bâti par le génois Antonio Carlone et flanqué d’un oratoire et d’un couvent, propose une disposition singulière de par son vaste balcon à balustrade où fut proclamée en 1810 la dissolution du saint Empire germanique et qui permet d’animer la façade de fenêtres et de pilastres sans perdre sa cohérence. Enfin, quelque peu à l’écart, se dresse la délicate Piaristenkirche, achevée en 1777 par Johann Lukas von Hildebrandt et qui propose, à l’extérieur, une belle façade de transition entre baroque et classique encadrée de deux gracieux clochers, à l’intérieur, un beau décor de fresque et de stucs.