GALERIE BROLLY, Paris, Mars – Avril 2019

« Dis / jonctions », tel est le nom de la nouvelle exposition de Mathieu Bonardet à la galerie Brolly. Un ensemble de pièces investit l’espace d’exposition par le dessin et la sculpture, des pièces toutes caractérisées par une grande épure et une prégnance assez remarquable du noir, un noir singulièrement profond et dense. Comme le dit Guitemie Maldonado, « la ligne se fait surface » par la succession serrée et répétée de traits parallèles de graphite, par un investissement récurrent, incroyablement maîtrisé, du corps de l’artiste dans son œuvre, par le temps rendu quasiment palpable de la création. Le geste performé est désormais moins perceptible au profit d’un jeu entre le noir et le blanc, un noir dominant tandis que le blanc procède par intrusions, ruptures, déchirures simulées par la réserve et flirtant avec le trompe l’oeil. L’artiste donne ainsi à voir, fait apparaître des formes, par un double processus de création procédant par remplissage de la surface par le trait ou au contraire par effacement. Apparition / disparition.
Autre évolution sensible dans le travail du jeune artiste issu des beaux-arts de Paris : la confrontation à de nouveaux matériaux, particulièrement le métal, non plus simulé par le dessin comme dans « faille », réalisé en 2013 au graphite sur papier marouflé sur bois, mais mis en œuvre directement dans l’espace. Ses plaques d’acier se déploient au sol, se dressent, dans un jeu de volutes d’une grande délicatesse qui fait oublier leur pesanteur. En dépit du recours formel à la géométrie et l’abstraction épurée qui en émane, l’artiste introduit par ailleurs certains écarts, certaines « dis jonctions », d’une sensibilité troublante : un diptyque constitué de deux panneaux placés cote à cote contre le mur révèle ainsi une légère irrégularité, « une rupture dans la symétrie », née d’un petit support surélevant étonnamment l’un des panneaux et perturbant la perception et la stabilité de l’œuvre tout en exprimant par une grande économie de moyen l’idée d’un clivage. Il en est de même des douces courbures de ses pièces sculptées, lesquelles expriment par ailleurs, par la disposition des deux plaques se rejoignant pour se dissocier –autre disjonction-, le travail de forces sinon contraires, du moins contradictoires. Attraction / répulsion. Quelle que soit la simplicité formelle à l’œuvre, derrière chaque pièce se dessine la présence latente et engagée, corporelle et gestuelle, de l’artiste. A voir !




