PALAIS DE TOKYO, Paris, 21-23 avril 2017
Petite immersion dans le festival Do Disturb au Palais de Tokyo qui, pour sa 3e édition, collabore avec d’importants festivals de performance et de spectacle vivant et convie quelques artistes en mettant l’accent sur l’idée d’engagement, tant physique que politique. Ce choix de mettre en avant la performance est né d’un constat d’une tendance croissante des artistes à investir des espaces mêlant danse, théâtre, chant et arts plastiques et des thématiques autour de l’identité ou du genre. La performance permet en outre une réactivité immédiate que ne permet pas le cadre plus lent de l’exposition ou de la scène.
Parmi les interventions tout à fait convaincantes, j’ai relevé les chants de la chorale britannique Musarc (« tableaux vivants ») dont les performeurs déambulent parmi les visiteurs armés de miroirs réfléchissant les visages et dont les intonations s’amplifient peu à peu, emplissant l’espace d’une beauté, d’une force admirable et solennelle. Le chorégraphe et artiste britannique Alex Baczynski-Jenkins, invité par le festival Dias Da Dança, vise quant à lui à normaliser le « queer ». Ses performeurs étudient les relations entre désir et perte…La danse, la gestuelle, les sons développent un vocabulaire à travers lequel les performeurs évoluent entre échanges intimes et fragmentaires, sondent les limites de la subjectivité, de la corporalité et de la représentation.
Jonathan Uliel Saldanha, oxidation machine Séverin Guelpa, the big breath
Si l’espace du palais de Tokyo est investi par le corps de nombreux performeurs au cours de ce festival, il l’est aussi par des installations lumineuses, sonores, sculpturales, vidéos…J’ai ainsi particulièrement apprécié l’atmosphère créée par Jonathan Uliel Saldanha (« Oxidation Machine »), sur proposition du Festival DDD – Dias Da Dança, dans les tréfonds du palais. Une atmosphère colorée et sonore qui transforme profondément l’espace architectural.« The Big Breath », du suisse Séverin Guelpa, apporte, en dépit de sa monumentalité, une touche onirique par la respiration de coussins gonflables argentés, non sans rappeler les « silver clouds » de Warhol que Merce Cunningham fit dialoguer dans « RainForest » avec le corps des danseurs, même si les pièces de Guelpa sont fixées au sol et animées par de petits ventilateurs.
Laurent Goldring, alter ego Lara Schnitger, Suffragette City
Les vidéos de Laurent Goldring, « alter ego », qui ponctuent l’espace du Tarmac, s’avèrent des plus dérangeantes. L’artiste, dont la matière première est le corps, réduit ce-dernier à l’état de forme sculpturale. Dans un cadre serré, Goldring filme un ou plusieurs corps dénudés, contorsionnés dans des postures inhabituelles, esquissant des mouvements incongrus et infimes. Le corps ainsi fragmenté et non identifiable fait naître une nouvelle forme, quasiment inhumaine et interroge l’histoire de sa représentation. A mi-chemin entre installation et performance, l’intervention de Lara Schnitger, “Suffragette City”, consiste à réactiver le défilé de la Women’s march qui a suivi l’élection de Trump à travers ses banderoles et slogans féministes.
Dans “Light boiled like liquid soap”, 2017, Wilfrid Almendra propose une installation constituée d’éléments sculpturaux faits de matériaux récupérés, pauvres, évoquant aussi bien l’eau que l’électricité, les flux, et relevant d’un vocabulaire architectural etc. Par ailleurs, dans le hall du palais s’affichent quelques propositions d’artistes, intellectuels, amateurs d’art afin de soutenir la part de la culture dans le débat politique.
https://unepenseepourlaculture.tumblr.com/