Eglise St-Germain l’Auxerrois, Paris

St Germain l’Auxerrois, Paris_5 février 2022

Dans la nuit du 23 au 24 août 1572, le tocsin de Saint-Germain l’Auxerrois, signal d’un danger imminent, annonce le massacre de la Saint-Barthélémy, paroxysme des guerres de religion entre catholiques et protestants qui, outre l’assassinat de plusieurs chefs protestants dont l’Amiral de Coligny, aboutit à la mort de 20 à 30 000 protestants en quelques jours en France. Si l’on ne peut contempler l’étonnante église qui s’élève face à la colonnade du Louvre de Perrault sans songer à cet épisode sanglant de l’Histoire de France, celle-ci n’en mérite pas moins le détour, particulièrement pour son architecture.

Fondée à l’époque mérovingienne sur le lieu de la rencontre entre l’évêque d’Auxerre st Germain et la sainte patronne de Paris, ste Geneviève, au Ve siècle, l’église st-Germain l’Auxerrois recèle par ailleurs les reliques du cinquième évêque de Paris st Landry. Eglise tout à la fois collégiale et paroissiale, elle est incendiée au IXe siècle par les Normands et rebâtie par Robert le Pieux au XIe siècle puis connaît une série d’agrandissements du XIIIe au XVIe siècles. Le clocher et le chevet, romans, remonteraient au XIIe siècle, la façade, flanquée de deux élégantes tourelles carrées, ornée d’une rose flamboyante et sommée d’un pignon triangulaire, au XIIIe siècle, le chœur, au XIVe siècle, la nef gothique de quatre travées, traversée d’un transept et surmontée d’une voûte quadripartite sur ogives, au XVe siècle, les chapelles, au XVIe siècle.

Plus remarquable par son architecture que les œuvres peintes et sculptées, les vitraux qu’elle recèle –dont beaucoup du XIXe siècle-, à quelques exceptions près telles que les tombeaux d’Etienne III et Etienne II d’Aligre, chanceliers de France, par Laurent Magnier (XVIIe), le monument funéraire des conseillers du roi Tristan et Charles de Rostaing sculpté par Philippe de Buyster en 1659, un retable sculpté flamand du XVe siècle, un triptyque et quelques vitraux du XVIe siècle de Jean Chastellain (la Pentecôte, l’Incrédulité de st Thomas, l’Assomption de la Vierge, 1532-35), un crucifix attribué à Bouchardon, ou encore une toile d’autel de Sébastien Bourdon, malheureusement plongée dans les ténèbres d’une chapelle latérale, l’église se singularise non seulement par sa silhouette atypique, les contreforts qui flanquent le vaisseau, hérissé de gargouilles, mais encore par la présence d’un porche monumental du XVe siècle plaqué sur la façade du XIIIe siècle, l’un des rares conservés à Paris, œuvre de Jean Gaucel (1425) ornée de sculptures.

Le porche gothique flamboyant est constitué de cinq baies ogivales couronnées de balustres et de combles fleuronnés. Si le Jugement Dernier du tympan du portail central a été détruit au XVIIIe siècle, quelques admirables reliefs de voussure demeurent dont Judas dans le sein d’Abraham et des âmes tourmentées par deux démons, les Vierges Sages et les Vierges Folles, les douze apôtres, ainsi que des statues des fondateurs de l’église (Childebert et Ultrogothe, le diacre Vincent, st Germain, ste Geneviève et un ange…). Les deux statues les plus remarquables, seules d’origine, représentent st François d’Assise et surtout une mélancolique et délicate Marie l’Egyptienne, les yeux clos, enveloppée dans sa chevelure, qui tient les trois pains qui doivent l’alimenter dans le désert (originale désormais conservée à l’intérieur de l’église). 

A l’intérieur, outre la nef à double niveau d’élévation (de grandes arcades à arcs brisés sur piles multiformes et fenêtres hautes ornées de vitraux translucides du XIXe siècle), on peut relever le décor de la chapelle de la Vierge avec un retable de pierre figurant l’arbre de Jessé dont les fleurons et les branches serpentent autour d’une statue de l’Ecole champenoise de la Vierge dans une niche couronnée d’un dais, du XIVe siècle, surmontée de l’Assomption et du Couronnement de la Vierge entourés du chœur des anges peint entre 1844-1845 par un élève d’Ingres, Eugène Amaury-Duval. La chapelle contient par ailleurs la superbe statue en pierre calcaire polychromée de la fin du XVe siècle de ste Marie l’Egyptienne pénitente, initialement placée sous le porche. Le travail subtil de la chevelure et du drapé contraste avec la robustesse de la partie inférieure du corps de cette courtisane d’Alexandrie repentie et retirée dans le désert, patronne des drapiers.

Retable flamand, XVe_St Germain l’Auxerrois, Paris_5 février 2022

La chapelle de la Compassion comprend quant à elle un superbe retable flamand en chêne du XVe siècle qui représente la vie de la Vierge (Mariage de la Vierge, Nativité, Adoration des bergers, Songe de Jessé, Adoration des mages, Présentation au temple) et la Passion (le Portement de croix, la pâmoison de la Vierge, la Descente de croix, la Crucifixion).

Un second retable, en bois sculpté et peint, du début du XVIe siècle (anonyme, France du Nord), mérite l’attention. Il représente des scènes de la vie de la Vierge, dont une très belle Annonciation et le paradis terrestre, initialement situés au revers. Différents miracles de la Vierge illustrent les parties en bois sculpté ainsi qu’un beau st Luc peignant la Vierge.

Le tableau d’autel peint par Sébastien Bourdon pour le couvent de la Merci et désormais conservé à st Germain l’Auxerrois n’est malheureusement guère visible. Il représente st Pierre Nolasque, fondateur de l’ordre suite à une vision de la Vierge en 1218, recevant l’habit de l’ordre de Notre-Dame de la Merci des mains de l’évêque de Barcelone, en présence du roi Jacques d’Aragon. L’œuvre, de par sa proximité compositionnelle et stylistique avec la Chute de Simon le Magicien de la cathédrale de Montpellier, est datée de 1660.

Le merveilleux jubé commandé par les chanoines à Pierre Lescot vers 1541, orné de reliefs de Jean Goujon, a malheureusement disparu au XVIIIe, même si le bas-relief de la Déposition du Christ sculpté qui s’inspire d’une gravure d’après le Parmesan et les quatre évangélistes qui l’entouraient, d’une grande élégance, ont pu être sauvegardés (Louvre). L’artiste s’efforce de tirer de l’antique des formes souples et pleine de grâce et opte pour un relief plat, le « schiacciato », entre bas-relief et méplat, inventé par Donatello.

Facebookrss
Facebookmail