
Par-delà son remarquable décor conçu par Jean-Baptiste de Champaigne, l’église saint Louis en l’Ile recèle quelques œuvres remarquables dont un très beau baptême du Christ du peintre lyonnais Jacques Stella, proche de Nicolas Poussin qu’il côtoie pendant son long séjour romain (vers 1619-1633). Nommé peintre du roi par Richelieu, il reçoit de prestigieuses commandes à son retour en France dont participe cette toile, commandée à l’origine pour le maître autel de l’église St Germain le Vieil de Paris.Loin des derniers feux du caravagisme et d’une tentative de pénétration du baroque en France initiée par le retour de Simon Vouet à Paris en 1627, la peinture de Stella s’inscrit dans ce que Jacques Thuillier (« Au temps de Mazarin, l’«atticisme » parisien », dans La peinture française au XVIIe siècle), après Bernard Dorival (La peinture française, 1942, http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb40368064d) qualifie d’ « atticisme », courant s’inspirant de maîtres français expatriés à Rome tels que Claude Lorrain et Nicolas Poussin, et caractérisé par une quête de clarté, de mesure, de simplicité et de grâce, sans aller toutefois jusqu’à l’austérité.
La peinture connaît alors un moment d’équilibre exceptionnel, l’apogée du classicisme à travers un langage raffiné, noble et serein, aux compositions rigoureuses, lisibles, aérées et architecturées, aux formes synthétiques et pures, aux expressions discrètes, au faire lisse, aux coloris clairs. Alain Mérot (Eloge de la clarté, 1998) analyse ainsi les caractères de l’atticisme : « une référence constante aux plus purs modèles de l’antiquité ; la recherche de la simplicité et de la précision ; une lumière et un coloris clairs ; une grâce enfin, qui se manifeste de diverses façons ». Il s’agit selon lui d’un art qui envisage fondamentalement ses sujets à travers la sculpture antique.
Le baptême du Christ, par la délicatesse harmonieuse de ses coloris, le traitement soigné des drapés, les déhanchés classiques et la musculature étudiée quoique légèrement efféminée des corps –témoignant d’une étude précise des antiques et de la grâce d’un Raphaël-, est exemplaire de l’atticisme. La composition, surmontée de la colombe du saint esprit, est centrée sur le bras de Jean Baptiste qui procède au baptême par aspersion, déversant doucement une coquille emplie d’eau sur la tête du Christ. Les deux corps des principaux protagonistes de la scène s’équilibrent dans un savant déséquilibre, le déhanché du Christ et l’inclinaison de sa tête l’orientant vers la gauche, tandis que Jean Baptiste, légèrement agenouillé contre un rocher et dès lors les jambes en retrait vers la droite, concentre toute son attention sur le Christ. Deux groupes angéliques, de part et d’autre, dans les nuées, ainsi qu’au bord du Jourdain, flanquent et structurent magistralement la scène. Cette commande s’inscrit par ailleurs, par sa thématique et son attrait, une certaine humanisation des représentations sacrées –tel que ce geste (de pudeur) du Christ, les bras repliés sur son torse nu- dans l’esprit de la réforme catholique conquérante au lendemain des guerres de religion. Elle est documentée par plusieurs dessins préparatoires, conservés notamment au Minneapolis Institute of art et au Louvre.



