Eglises albertiennes à Mantova

Chiesa san Andrea, Mantoue, 23 et 24 juillet 2021

Je voudrais que le temple ait tant de beauté qu’on ne puisse à aucun égard l’imaginer plus orné ; et je souhaite qu’il soit si bien soigné, dans le moindre détail, que ses visiteurs soient frappés de stupeur et frémissent d’admiration devant sa noblesse, en ayant peine à se retenir de proclamer que le lieu qu’ils contemplent est vraiment digne d’un dieu. 

Leon Battista, Alberti, de re Architectura, Seuil, 2004

Quoique Leon Battista Alberti ait davantage marqué l’histoire de l’art par ses traités sur l’architecture, la sculpture ou la peinture que ses quelques réalisations, il n’en a pas moins laissé quelques édifices remarquables. Je m’attarderai sur ses églises matouannes…

Mathématicien, ingénieur, écrivain, philosophe, architecture, Alberti s’inscrit pleinement dans l’esprit humaniste du Quattrocento par son étude des textes classiques et ses recherches sur les ruines antiques, particulièrement à Rome. Cette influence se ressent pleinement tant dans son traité d’architecture que dans ses œuvres mantouannes, où il restaure le langage formel de l’architecture antique et théorise la beauté en tant qu’harmonie des parties et du tout.

Alberti entre en relation avec Ludovic Gonzague à l’occasion du concile de 1459 et conçoit dès 1460 des projets pour l’église San Sebastiano puis, à partir de 1471, pour la basilique de Sant’Andrea. Cette-dernière est particulièrement importante pour son commanditaire de part sa proximité avec le palais ducal et parce qu’elle recèle une relique du Saint Sang apportée par saint Longin. S’il conserve sur la gauche de la façade le campanile gothique de l’ancien monastère bénédictin dont Ludovic Gonzague a obtenu de Sixte IV la suppression, Alberti modifie l’orientation de l’ancien sanctuaire afin de placer la nouvelle église dans l’axe du palais ducal et du quartier de San Sebastiano.

S’inspirant des façades de temples à fronton (Panthéon de Rome, basilique de Maxence) et des arcs de triomphes antiques (Arc de Titus de Rome), Alberti conçoit une façade d’un seul grand niveau, couronné d’un fronton triangulaire et articulé par un ordre mineur et un ordre majeur. La répétition de l’arc de triomphe crée une travée rythmique à pilastres et une remarquable harmonie entre la façade extérieure et l’intérieur : la grande arcade centrale du portique extérieur annonce la hauteur et la voûte de la nef tandis que les ouvertures latérales, plus petites, correspondent à la structure interne de l’église. La voûte en berceau de la nef dépassant le sommet du fronton, Alberti a dissocié la façade du corps de l’église par un narthex indépendant avec son propre système de voûtes en berceau. L’ensemble du bâtiment est régi par un rapport proportionnel fondé sur un module carré de 20 bras mantouans.

L’église, de plan en croix latine, est constituée d’une nef unique monumentale cantonnée de chapelles arcadées et surmontée d’une admirable voûte en berceau à caissons soutenue par des piliers monumentaux comme les thermes romains. La croisée du transept est surmontée d’une coupole sur pendentifs conçue ultérieurement par Juvarra et ornée d’une gloire du Paradis par Anselmi. La décoration interne consacrée à l’histoire biblique fut principalement réalisée à la fin du XVIIIe siècle mais on relève dans quelques chapelles des œuvres de Mantegna –qui y est enterré- ou Giulio Romano (telle une remarquable Crucifixion).

Chiesa san Sebastiano, Mantoue 24 et 25 juillet 2021

Beaucoup plus modeste et inachevée jusqu’au XXe où elle devient un monument aux morts après d’importantes modifications structurelles par rapport à la pensée originelle d’Alberti (reconstruction de la voûte, ajout de deux escaliers d’accès en façade –l’escalier d’origine étant relégué sur la gauche du portique, dans une loggia-…), la destination initiale de l’église san Sebastiano demeure incertaine, édifice votif ou futur mausolée voulu par Ludovic Gonzague à la place d’un oratoire du Xe siècle. L’union des deux édifices crée une forme singulière avec une construction centrale fondée sur un plan en croix grecque et des absides semi-circulaires surmontées de voûtes en berceau et une division en églises supérieure et inférieure comme le tombeau de Théodoric de Ravenne.

Il s’agit de l’une des premières églises de plan central de la Renaissance, dotée en outre d’une façade-temple à l’antique, puissante et d’une grande sévérité. S’inspirant des thermes et tombeaux antiques voire paléochrétiens, Alberti conçoit un portique autonome articulé par quatre pilastres, la fenêtre centrale brisant le fronton, reconstituant la forme idéale du temple antique vitruvien fondée sur une cellule et un pronaos et élevée sur un haut podium. Les angelots tenant une guirlande qui orne le portique s’inspirent de la sculpture funéraire romaine.  L’église inférieure, crypte, est admirablement structurée par des arcades et pilastres.

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