Etre rivière…la sculpture selon Penone

Giuseppe Penone, essere fiume 5_Etre pierre_musée Zadkine_30 décembre 2017

La cendre, comme l’ombre, est grise, elle se pose, fine, sur les murs, par terre, impalpable, foncée, muette, froide, protectrice ; elles sont toutes les deux le résultat de l’énergie de la lumière, elles dispersent toutes les deux le volume des choses dans l’espace. La cendre est un matériau stable, elle ne se décolore pas à la lumière, elle a déjà donné sa couleur au feu, à la chaleur.

La couleur cache, c’est-à-dire qu’elle couvre, l’ombre protège la couleur, la préserve. La cendre et l’ombre sont fraîches, froides, elles protègent du feu du soleil, ce sont des isolants. Cendres, restes d’un corps, d’un volume, les cendres se dispersent, occupent un espace indéfini. Quand on les ramasse, elles sont une infime partie du corps dissout par le feu, par le temps. Les cendres peuvent être couleur, matière pour le dessin du corps qu’elles étaient, quand on les disperse, elles intègrent ce corps à l’ensemble des choses ; quand on les ramasse, elles peuvent recréer l’ombre. Avec les cendres d’une oeuvre d’art, on peut refaire l’oeuvre d’art.
[…]
Mon reflet est tout entier lié à l’obscurité, à l’ombre, à une ligne d’ombre qui dessine le contour et les nuances de mon existence, de ma peau lumineuse, resplendissante, précieuse dans cette obscurité qui m’entoure, une peau toute d’or qui couvre mon corps et qui du dessin de son empreinte s’étale dans le vide.

Giuseppe Penone, « respirer l’ombre », Paris : Ensba, 2008

Il est intéressant de percevoir dans ce livre à quel point le travail de Penone est répétition, déconstruction-reconstruction, souci de recréer l’oeuvre de la nature, « la sculpture parfaite [dit-il], elle redevient nature. Sculpteur, face à une pierre brute, il songe à la montagne d’où cette pierre est tombée, à la rivière qui l’a mise en forme -« C’est être rivière la vraie sculpture de la pierre »- ; face à une poutre, il cherche la forme originelle de l’arbre d’où provient cette poutre, étudie ses anneaux pour définir sa base et son faîte, creuse pour recréer cette forme. Une réflexion très sensuelle et sensorielle également, « l’esprit ne pense pas, c’est le corps qui pense ».

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