FONDATION GULBENKIAN, Paris, Mai-Août 2016
MUSEE GUIMET, Paris, Avril-Septembre 2016
La troisième édition du European Photography Exhibition Award s’expose à la fondation Gulbenkian et propose une remarquable sélection d’oeuvres sur la thématique de la frontière, non seulement géographique mais aussi sociale, identitaire, culturelle, mentale…
L’italienne Arianna Arcara s’intéresse ainsi à la frontière qui divise la ville de Nicosie à Chypre à travers une série photographique en noir et blanc dépeignant des lieux déserts, à l’abandon, symboles de la séparation territoriale mais aussi de la séparation par rapport à l’Autre. Le diaporama du hongrois Ildiko Peter se préoccupe également d’une frontière territoriale, celle établie par certains pays (Hongrie, Grèce, Bulgarie…) en dépit des accords de Schengen suite à l’afflux de migrants vers l’Europe et la transformation du paysage qui en découle.
La remarquable série proposée par la norvégienne Marthe Aune Eriksen, artiste qui travaille sur les limites entre ville et périphérie, met en scène des surfaces quasiment monochromes, l’impression de murs denses, massifs, sans issue, paysages-frontières presque psychologiques et d’une grande poésie…Les zones périphériques constituent également le centre d’intérêt de l’italien Pierfrancesco Celada, mais avec un résultat tout autre. Il s’agit de la banlieue milanaise et des conséquences des mutations urbaines sur les conditions et modes de vie.
La série photographique proposée par la danoise Marie Hald développe quant à elle l’idée d’une frontière interne, celle créée par la maladie mentale. Son « essai photographique » s’intéresse ainsi au quotidien de jeunes filles boulimiques ou anorexiques en Pologne. Le travail de l’allemand Jakob Ganslmeier, également sur la Pologne, est tout autre : sous la forme de guides touristiques mettant en regard photographies et textes mais sans la tonalité convenue qui les caractérise, le photographe entend donner à voir un pays encore en transition.
Le britannique Dominic Hawgood se penche quant à lui sur les effets d’un psychotrope étendant les frontières de la conscience et de la perception, moyen d’accès au monde spirituel. Des images assez proches d’images virtuelles, comme le sont celles de la portugaise Margarida Gouveia qui présente des corps ou objets étranges, froids, avant leur traduction en données numériques.
Quant à l’exposition consacrée par le musée Guimet à Nobuyoshi Araki, elle se révèle intéressante. L’accrochage, conçu en partie par l’artiste et principalement déployé par grandes séries ou thématiques photographiques (voyage sentimental, voyage d’hiver, fleurs, Kinbaku, journal intime…), s’avère d’une efficacité redoutable et d’une grande qualité. Les photographies sont parfois déployées en continuité (skyscapes, Tokyo tombeau) ou en amoncellement (polaroïds), traduisant l’intense production photographique de l’artiste à travers l’évocation de son atelier.
Par-delà les photographies prévisibles de femmes dénudées et ligotées selon l’art du bondage japonais ou encore la série de fleurs mortuaires chargée d’érotisme, l’exposition donne à voir des travaux plus méconnus et intéressants d’Araki, notamment ses photographies calligraphiées ou repeintes ou encore ses séries de ciels, ainsi qu’une série en noir et blanc réalisée pour l’exposition et reprenant certaines oeuvres antérieures, « Tokyo tombeau », amorce d’un testament photographique.
