MUSEE D’ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS, Mars-Juillet 2016
« La boîte de Pandore » est une exposition sur l’histoire de la photographie vue par l’artiste Jan Dibbets. Le résultat est extrêmement intéressant et surprenant : cela ne ressemble en rien à une histoire de la photographie traditionnelle. Par-delà un fil directeur vaguement ou du moins largement thématique (origine de la photographie et photographie scientifique, expériences photographiques, objets photographiques), l’accrochage se révèle un vrai tour de force.
La confrontation des oeuvres, -parfois par-delà les décennies (Anna Atkins face à Karl Blossfeldt, Gustave le Gray face à Hiroshi Sugimoto, Josef Albers près de James Welling, les nuages de Sol Lewitt près de ceux de Muybridge) et les catégories (l’art voisinant avec la science…)- donne à voir le photographique comme technique, process et un champ de possibles particulièrement ouvert.
C’est là la grande réussite de cette exposition, montrer les multiples expérimentations à l’oeuvre dans l’histoire de la photographie : de la photographie scientifique à la chronophotographie de Muybridge et Marey, des créations des avant-gardes surréalistes ou constructivistes et suprématistes (Man Ray, Rodtchenko, Moholy Nagy, El Lissitzky, Bérénice Abbott etc.) aux « objets photographiques » -images purement numériques- de Thomas Ruff, Seth Price, Spiros Hadjidjanos …en passant par la photographie documentaire ou sociale de Walker Evans et des Becher. Comme le dit Dibbets, il s’agit de rappeler les origines de la photographie afin d’envisager son avenir.
Hiroshi Sugimoto, Mediterranean sea 1989 Bérenice Abbott, interference pattern 1958 61 et magnetism with key
Bien que nombre d’oeuvres majeures soient présentes (les pavés de Brassaï, le portrait d’Allie Mae Burroughs de Walker Evans, Luisa Casati de Man Ray, des abstractions de Paul Strand, des traces d’intervention de Robert Smithson ou Richard Long, des chevalements de mine des Becher, « rovesciare i propri occhi », 1970 de Giuseppe Penone, les 62 membres du Club Mickey en 1955 de Boltanski…), on relève pas mal de découvertes, de raretés, d’oeuvres de photographes méconnus dans cette exposition. A noter par ailleurs une très belle salle consacrée à Muybridge, que Dibbets considère comme l’inventeur de la sérialité et par-là même le préalable nécessaire au minimalisme ou à Warhol. A voir!
Je passe en revanche sur « Double je » (à l’exception peut-être du labyrinthe), exploration d’une scène de crime au palais de Tokyo, exposition très hétéroclite, ménageant plus de place aux artisans d’art qu’aux artistes et où il est difficile de véritablement pénétrer malgré la fiction qui la sous-tend.