Il libro de’disegni di Giorgio Vasari

Raffaello, adoration des rois-1502-03_étude pour la prédelle du retable Oddi, san Francesco al Prao, Perouse_Vatican_Vasari, livre-des-dessins_Louvre_12 juin 2022

LOUVRE, Paris, 31 mars – 18 juillet 2022

Artiste et lettré, dessinateur virtuose auquel on doit le dogme de la « primauté du dessin » sur la couleur, fondateur des Offices, Vasari a marqué l’histoire de l’art par la rédaction des Vite, biographies de peintres, sculpteurs et architectes de la fin du XIIIe siècle à Michel-Ange ponctuées de détails sur la pratique artistique, de commentaires d’œuvres et d’anecdotes inspirés des multiples renseignements que l’auteur recueille pendant ses années de formation. Les Vite propose une vision cyclique de l’histoire de l’art : apogée gréco-romaine, décadence médiévale, début de renouveau à compter de Cimabue, vers 1260, suivi de Giotto, puis Donatello ou Botticelli au Quattrocento jusqu’à l’aboutissement cinquecentesque qu’incarnent Vinci, Raffaello et Michelangelo.

La seconde édition des Vite, publiée en 1568 et augmentée d’une trentaine de nouvelles biographies et de portraits gravés, évoque un libro de’disegni constitué des plus beaux dessins des maîtres dont Vasari rapporte la biographie et l’oeuvre tels que le portrait de vieillard de Ghirlandaio, étude préparatoire au tableau du Louvre (portrait de vieillard et un enfant, 1490) dont l’encadrement est de la main de Vasari, ou encore le portrait de Valerio Belli Vincentino de Parmigianino. En 1563, il crée par ailleurs l’Accademia del disegno à Florence, en partie fondée sur sa collection de dessins.

Primaticcio_Pan assis sur les nuées, Venus assise sur les nuées_étude pour l’un des plafonds du château de Fontainebleau_Vasari, livre-des-dessins_Louvre_12 juin 2022

Le libro de’disegni, dont la forme initiale demeure incertaine, constitue probablement la première collection de dessins établie sur une logique historique. Vasari s’y attache précocement réunissant des œuvres graphiques en un ensemble cohérent, en pendant de ses biographies. A la mort de Vasari, le Libro fut remis au grand-duc de Toscane, Francesco I puis disparaît, manifestement dispersé sinon démembré. Une trentaine de feuilles est identifiée de provenance vasarienne certaine, dont une dizaine présentée dans l’exposition que consacre actuellement le musée du Louvre au Libro, en coopération avec le Nationalmuseum de Stockholm.  

L’exposition relève davantage de l’histoire des collections que de celle du dessin, s’intéressant prioritairement à remettre en question l’appartenance de certaines feuilles au libro. Depuis Pierre-Jean Mariette, cette appartenance se fondait sur la présence du « montage Vasari », encadrement dessiné représentant des architectures feintes, des figures allégoriques, des créatures fantastiques ou des motifs ornementaux d’une grande valeur expressive, d’une grande vivacité de trait et d’une valeur documentaire explicite avec le nom de l’artiste et son portrait gravé, -invention vasarienne reprise dans nombre de collections ultérieures (Jabach, Mariette, saint-Morys…) qui fait du dessin davantage qu’une simple étude préparatoire- et dont Panofsky a montré l’aspect didactique, valorisant les dessins, marquant la limite entre l’œuvre et la page du livre, « [soutenant et contenant] ce qui en soi s’effondrerait ». Dans le sillage de Popham et Pouncey, l’exposition distingue deux types de montages, les uns maniéristes –de la main de Vasari ou de ses élèves-, les autres plus simples, ainsi qu’un ensemble de dessins sans montage mais décrits précisément dans les Vite. Une part des feuilles relèverait en réalité de la collection Gaddi (telle que la feuille de Beccafumi incluant un Hercule), sans doute établie en imitant la logique vasarienne et identifiée par la présence de l’emblème familial, un phénix perché sur une branche enflammée.

Par-delà ce questionnement sur ce qui releva ou non du mythique Libro, l’exposition donne à voir une trentaine de dessins des plus remarquables,  ponctués de citations des Vite, tels que la superbe étude pour l’adoration des mages de la prédelle du retable Oddi de Raffaello ou le fougueux David tenant la tête de Goliath de son principal élève, Giulio Romano, la très belle grisaille de Filippino Lippi dépeignant un jeune saint Jean-Baptiste mélancolique, une admirable Incrédulité de st Thomas de Salviati ou encore la saisissante Cène d’Andrea Schiavone à laquelle de puissants rehauts de blanc confèrent un aspect quelque peu fantastique.

Filippino Lippi_st Jean-Baptiste en contemplation-1483-88 (détail)_Vasari, livre-des-dessins_Louvre_12 juin 2022

Et en vérité, il fut quant à la bonté de la vie et quant aux œuvres plus que raisonnablement valeureux, et de meilleur dessin et invention que les autres, comme on peut le voir dans notre Livre en un dessin où Jésus-Christ enfant dispute avec les docteurs dans le Temple, avec un vaste bâtiment fort bien fait et avec jugement.

Vasari, Vies de Bartolomeo da Bagnacavallo et d’autres peintres romagnols

Du côté des portraits dessinés, outre la belle étude préparatoire pour le portrait de vieil homme avec un enfant du Louvre, de Domenico Ghirlandaio, aisément identifiable par le traitement réaliste du nez difforme, fruit d’une maladie de peau, du vieillard, on note une admirable tête d’homme coiffé d’un bonnet. Homme drapé, s’inclinant vers la droite, de Botticelli, une belle suite de jeunes hommes d’Uccello, une tête de femme vue de trois-quarts, les cheveux retenus par une résille, d’une incroyable délicatesse de traitement, de Lorenzo di Credi ainsi que la splendide tête de femme attribuée à Vinci, flanquée d’une caricature de vieillard et d’un saint Jean-Baptiste de profil.

J’ai relevé enfin de remarquables feuilles maniéristes dont la très belle sanguine représentant Vénus assise sur les nuées, en contre-plongée, de Primaticcio, étude pour l’un des plafonds du château de Fontainebleau, typique du montage Gaddi repris par Jabach, une superbe étude pour le repos pendant la fuite en Egypte de Londres, de Parmigianino ou encore l’admirable Vierge de miséricorde de Rosso Fiorentino, étude pour un retable non réalisé pour la chapelle du palais de la Fraternità dei Laïci d’Arezzo (1529-30) :

Rosso_Vierge-de-misericorde-étude-pour-retable-non-exécuté-chapelle-du-palais-de-la-Fraternita-dei-Laici-Arezzo-1529-30_Vasari, livre-des-dessins_Louvre_12 juin 2022

En ce même temps, parce qu’il était une personne pleine de courtoisie, il fit de nombreux dessins à Arezzo et en dehors, pour des peintures et pour des bâtiments, comme, aux recteurs de la Fraternité, celui de leur chapelle qui est en bas de la place, et où se trouve aujourd’hui le Volto Santo. Il leur avait dessiné un tableau que l’on devait poser, peint de sa main, dans le même lieu, en lequel était une Madone ayant un peuple sous son manteau. Ce dessin, qui ne fut pas mis en œuvre, est dans notre Livre ainsi que d’autres, fort beaux, de sa main.

Vasari, « vie de Rosso, peintre florentin »
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Author: Instant artistique

Conservateur de bibliothèque. Diplômée en Histoire et histoire de l'art à l'Université Paris I et Paris IV Panthéon-Sorbonne. Classes Préparatoires Chartes, École du Patrimoine, Agrégation Histoire. Auteur des textes et de l'essentiel des photographies de l'Instant artistique, regard personnel, documenté et passionné sur l'Art, son Histoire, ses actualités.

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