Retour aux maîtres anciens…car c’est là le charme de Venise les années de biennale, voyager du plus contemporain au plus classique.
Si les collections du palazzo Cini ou du palazzo Querini-Stampali sont modestes au regard de la galleria de l’Accademia, elles renferment quelques chefs d’œuvres. Le palazzo Cini recèle ainsi un « double portrait de deux amis » du Pontormo (1522) de toute beauté, reprenant un thème traité par Raphaël en 1516 (Louvre), ce avec l’austérité propre aux portraits florentins républicains du début du XVIe siècle. Les personnages, vêtus de noir sur un fond sombre pointent un extrait de De Amicitia de Cicéron, invitant le spectateur à déchiffrer les lignes calligraphiées. Seules quelques touches de blanc (la feuille ostensiblement brandie, un col de chemise qui dépasse, des chairs découvertes) animent la toile d’un peu de chaleur. D’après Vasari, il s’agirait du beau-fils de Becuccio Bicchieraio et un autre homme, tous deux amis de l’artiste. Ils semblent partager, de même que les personnages du double portrait de Raphaël une affection réciproque et des intérêts culturels communs.
Botticelli e aiuti, giudizio di Paride (détail) Piero della Francesca, madonna con bambino
Autre merveille d’épure et de construction, dans cette lumière très claire propre à l’artiste qui dessine des volumes très cernés et d’où naissent des couleurs plutôt froides, la « Vierge à l’enfant » de Piero della Francesca (peut-être d’un élève) ainsi qu’un admirable « jugement de Paris » de Botticelli et son atelier, 1482-83.
Cette-dernière toile, sans doute commandée par un particulier pour orner des lambris dépeint le troyen Pâris sommé par les déesses Junon, Minerve et Vénus de donner la pomme d’or à la plus belle. Pâris désigne Vénus, vêtue de blanc. L’exécution assez sèche et saccadée, les figures assez anguleuses, suggèrent un travail d’atelier d’après un dessin du maître, lequel a pu participer ponctuellement, notamment à la réalisation des figures.
Ercole de Roberti san Girolamo e Cosme Tura san Giorgio_Palazzo Cini_Venise_26 août 2017 Tura, San Maurelio, museo Poldi Pezzoli, Milano (A titre de comparaison) Cosme Tura, la vergine annunciata_Galleria Colonna, Roma, 31 juillet 2021 (A titre de comparaison)
La collection comprend également un intéressant st Georges de Cosme Tura, vers 1460, sans doute réalisé pour un retable portatif comprenant le st Maurelius du musée Poldi Pezzoli de Milan et la superbe Annonciation de la collection Colonna de Rome. Saint Georges, singulièrement aérien, la peau singulièrement rosée, fait tournoyer le fourreau de l’épée qui vient de frapper le dragon au-dessus de sa tête.
Plusieurs panneaux du polyptyque Griffoni, démembré au XVIIIe siècle, réalisé par Ercole de’Roberti et Francesco del Cossa vers 1473 pour l’autel d’une chapelle de san Petronio de Bologna en l’honneur de st Vincent Ferrer tout juste canonisé, sont également exposés au palazzo Cini. Ils représentent st Jérôme, ste Catherine d’Alexandrie et st Georges.