La collection bigarrée d’Alicia Koplowitz

MUSEE JACQUEMART-ANDRE, Paris, Mars-Juillet 2017

Modigliani, la Rousse au pendentif_collection Koplowitz_musée Jacquemart Andre, Paris_7 mars 2017

En dépit de la pauvreté du propos, l’exposition que consacre le musée Jacquemart André à la collection Alicia Koplowitz, femme d’affaires espagnole, est l’occasion de voir quelques œuvres de grande qualité. Une collection des plus hétéroclites, du XVIe siècle à l’art contemporain, marquée toutefois -si l’on tient à y trouver un fil directeur- par la présence remarquable de l’art espagnol, de Goya à Barcelo et Tapies, ainsi que par la part des portraits féminins et un intérêt pour un certain « matiérisme ».

Le parcours est principalement chronologique. Il débute logiquement par une salle consacrée à l’art espagnol des XVIe-XVIIIe siècles et principalement Zurbaran, Morales et Goya, dont j’ai retenu un remarquable portrait de trois quart de la comtesse de Haro d’une grande délicatesse et légèreté de traitement, témoignant de la fragilité et la sensibilité d’une jeune femme représentée à la veille de son mariage mais emportée un an après l’exécution de la toile. Suit une salle dédiée à l’art italien, principalement vénitien, du XVIIIe, avec de remarquables Guardi extrêmement architecturés et poétiques, des portraits étonnamment enlevés et personnels de Pietro Antonio Rotari, des Tiepolo et des Canaletto.

Le cheminement à travers des siècles d’art occidental se poursuit par un ensemble de salles dédiées aux avant-gardes de la fin XIXe et du début XXe : un remarquable « vase avec œillets » de Van Gogh qui n’a rien d’une nature morte par le décentrement de sa composition et l’empâtement prononcé de la touche –l’une des dernières toiles de l’artiste- ; une aquarelle délicate et singulièrement apaisée de Schiele qui privilégie ici, contrairement aux autoportraits, l’expressivité sur la cruelle précision du trait (« femme à la robe bleue ») ; des Picasso dont un remarquable « portrait de jeune homme » au fusain et à l’aquatinte ; un superbe portrait de Modigliani, « la rousse au pendentif », empreint d’une grande douceur et sensualité teintée de mélancolie qui voisine paradoxalement avec un portrait de femme tranchant par la violence de ses couleurs fauves et le contraste provocateur entre la nudité du modèle et les accessoires de Van Dongen, un Nicolas de Staël des années quarante, composition abstraite marquée par la géométrie et le travail de la matière, les jeux de couleurs superposées…

L’exposition se termine par une sélection plus contemporaine marquée par l’expressionnisme abstrait américain (de Kooning, Rothko) et les œuvres « matiéristes » espagnoles de Barcelo (dont le superbe « Kula Be Ba Kan » réalisé au retour d’un voyage d’Afrique et qui n’est pas sans évoquer Kiefer par la densité de matériaux et de peinture, la gamme de couleurs assez froide) et de Tapies (« Parallèles », 1962, mélange de techniques traditionnelles et de sable strié de lacérations et évoquant violemment la muralité).

A noter la place remarquable de la sculpture tout au long du parcours, de l’art antique à Giacometti et Louise Bourgeois, en passant par Julio Gonzalez. On croise ainsi la « Femme de Venise I », en bronze, réalisée par Giacometti pour le pavillon français de la Biennale de Venise de 1956 ; une superbe araignée (« Spider III ») de Louise Bourgeois, image ambivalente, tout à la fois rassurante, maternelle, et source de malaise…

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Author: Instant artistique

Conservateur de bibliothèque. Diplômée en Histoire et histoire de l'art à l'Université Paris I et Paris IV Panthéon-Sorbonne. Classes Préparatoires Chartes, École du Patrimoine, Agrégation Histoire. Auteur des textes et de l'essentiel des photographies de l'Instant artistique, regard personnel, documenté et passionné sur l'Art, son Histoire, ses actualités.

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