
Pensé au XVIIIe siècle comme un musée universel comprenant des archives historiques, un laboratoire de restauration, une bibliothèque et une pinacothèque –jusqu’à la création du Museo di Capodimonte en 1957 et le transfert de la bibliothèque au Palazzo reale-, le musée archéologique de Naples regroupe des collections de grande qualité tout à la fois esthétique, historique et archéologique, fondées principalement sur la collection Farnese de Rome et de Parme et l’exploration, encouragée par le roi de Naples, des cités vénuviennes (Herculanum à compter de 1738, Pompéi dès 1748). Il se déploie dans un bâtiment austère construit à la fin du XVIe siècle comme caserne de cavalerie, rénové et étendu au XVIIIe siècle.
Ercole in riposo, fin IIe-debut IIIe apr-ès JC Flora maggiore, IIe après JC
Si les statues monumentales issues des thermes de Caracalla telles que le puissant Hercule au repos (fin IIe-début IIIe après JC), dont le buste relâché traduit l’épuisement, copie agrandie d’une œuvre de Lysippe, Minerva ou le groupe sculpté dit Toro Farnese (supplice de Dircé, attaché à un taureau en colère par Anfione et Zeto pour le punir de son comportement envers leur mère Antiope) sont parmi les joyaux de l’héritage Farnese, il compte également l’une des plus belles copies romaines du Doryphore de Polyclète. Œuvre fondamentale de l’antiquité, le Doryphore, porteur de lance nu, image idéale de l’athlète, incarne tout à la fois le canon de son auteur et son recours au chiasme caractéristique, expression inédite du corps en mouvement en rupture avec les modèles de représentation archaïques : une jambe portante, tendue, la droite, tandis que la jambe gauche est fléchie, rejetée en arrière, une épaule soulevée, la gauche, tandis que l’épaule droite est baissée. Elle voisine avec une très belle copie romaine, claudienne, découverte à Cuma, d’un bronze grec du Ve siècle avant JC, le Diomède de Kresilas. Elle représente le jeune homme nu, portant probablement à l’origine une épée dans la main droite et le Palladion –statue sacrée d’Athéna en armes-, dérobée avec Ulysse à Troie, dans la gauche.
Apollo liricine seduto, IIe après JC Venere callipige, IIe après JC
Autre pièce remarquable de la collection Farnese, un Apollon assis sur un éperon rocheux du IIe siècle après JC vêtu d’un long chiton, tenant une lyre. D’après des gravures, il s’agissait avant la restauration de la tête et des mains, d’une personnification de Rome. L’œuvre se distingue par l’usage d’un matériau impérial, le porphyre. Découverte dans la Domus Aurea, une superbe Vénus callypige, copie romaine d’une œuvre grecque du IIIe ou IIe siècles avant JC, pose un regard malicieux sur sa nudité dévoilée. La déesse se retourne pour admirer la ligne parfaite de l’arrière de son corps avec un remarquable contraste entre la douceur du corps et la lourde chute du drapé. Conservée initialement à la villa Farnesina, voisinant avec deux admirables Vénus accroupies, elle détonait fortement avec une galerie de portraits sculptés de philosophes antiques.
Piccolo Donario Pergameno, IIe après JC Hermes
On relève également de remarquables groupes statuaires, l’un issu des thermes d’Agrippa, copie d’œuvres grecques du IIe siècle avant JC située sur l’Acropole d’Athènes, évoquant des batailles (gigantomachie, amazonomachie, Marathon, les Attalides contre les Galates) sous la forme de statues allongées : une amazone frappée à mort, vêtue d’un court chiton, un sein découvert, un jeune Galate, identifié par son bonnet phrygien et son pantalon, tombé au combat…. ; l’autre de la villa dei Papiri d’Herculanum. Ce second ensemble, en bronze, découvert au milieu du XVIIIe siècle, représente des athlètes nus, un Hermès au repos, un satyre endormi, un satyre ivre d’esprit hellénistique etc.
Rilievo con Dioniso seduto, 1er s après JC Orfeo ed Euridice
Parmi les reliefs sculptés dignes d’attention, j’ai noté un admirable Dyonisos assis des plus apolloniens, une représentation de Persée et Andromède également du 1er siècle après JC ainsi qu’un relief en marbre de l’époque d’Auguste, copie d’un original grec de la fin du Ve siècle de l’école de Phidias, représentant Orphée et Eurydice. En dépit de la composition en frise propre aux reliefs antiques, l’intéraction entre les protagonistes est tout à fait admirable. Eurydice se tient au centre, flanquée d’Hermès, vêtu d’un péplos et d’un himation, sur sa gauche et qui l’accompagne de sa main gauche, et d’Orphée, sur sa droite, qui porte un chiton et une chlamyde, avec une lyre dans sa main gauche. Orphée touche le bras d’Eurydice, laquelle a la main sur son épaule, et la regarde fixement.
Les fresques, mosaïques et objets issus des fouilles des cités vénuviennes constituent un ensemble tout à fait unique, témoignant tout à la fois du quotidien des romains du 1er siècle après JC et de la peinture antique longtemps méconnue et caractéristique des différents styles identifiés à Pompéi : un 1er style (IIe avant JC) principalement non figuratif fait d’un décor articulé de motifs et panneaux géométriques moulés en relief, un 2e style où dominent les scènes mythologiques et perspectives en trompe l’œil sur des surfaces unies (88-20 avant JC), un 3e style ornemental caractérisé par des scènes inscrites dans des tableaux et des éléments décoratifs (candélabres…, 20 avant JC-50 après JC), un 4e style qui synthétise les deux précédents et mêle illusionnisme et ornementation (50-79 après JC). On note bien entendu l’importance et la qualité des scènes mythologiques mais également des paysages, natures mortes, panneaux décoratifs et surtout la beauté et l’intensité des coloris.
Flora Europa sul toro, casa di Giasone, 20-25 avant JC
La fameuse Flora de la villa d’Arianna de Stabiae (15-45 ap. JC), jeune fille des plus gracieuses vêtue d’un chiton jaune avec l’épaule dénudée, de dos, relève du IIIe style. Elle se dessine sur un fond vert et cueille des fleurs qu’elle dépose dans un panier. Elle s’inspire de l’art du IVe siècle et s’accompagne de figures similaires représentant Léda, Médée et Diane. Il en est de même du bel enlèvement d’Europe de la casa di Giasone (20-25 après JC).
Busto di fanciulla, Stabiae, 55-79 après JC Sacrificio di Ifigenia,casa del Poeta tragico, Pompei
Le « portrait de Sapho » (55-79 après JC) témoigne quant à lui du IVe style. Il représente un buste de jeune fille dans une attitude méditative, des tablettes et un stylet dans les mains, inscrit dans un médaillon à fond violet qui se détache sur le mur blanc. Il s’agit moins d’un portrait que de signifier une appartenance à une famille cultivée. Le sacrifice d’Iphigénie (45-79 après JC) de la Casa del poeta tragico relève également du IVe style et dépeint le moment culminant du mythe, Iphigénie portée de force vers l’autel du sacrifice, tandis qu’au ciel, la présence d’Artémis annonce l’intervention divine qui sauvera la jeune fille.
La mosaïque n’est pas en reste comme support artistique pompéien et n’investissait d’ailleurs pas que les sols. Le musée archéologique conserve ainsi le célèbre et magistral Memento mori (milieu du 1er siècle avant JC) trouvé à Pompéi, l’une des premières vanités de la peinture occidentale. La mosaïque représente la fugacité de la vie et l’imminence de la mort par un niveau dont le fil à plomb semble désigner la mort (le crâne) qui surmonte un papillon (l’âme) en équilibre sur une roue (la Fortune). De part et d’autre, sous les bras du niveau, on relève des symboles de la pauvreté et de la richesse.
Pantera con simboli dionisiaci, 1er s après JC Leone e Amorini con Dioniso e Menadi, 1er 1er s avant JC
Plus tardives, datant du 1er siècle après JC, on peut contempler une superbe panthère accompagnée de motifs dionisiaques, le thyase (Dionysos et les ménades) flanqué d’un superbe lion, retrouvé dans la Casa del Centauro ou encore les trois grâces de la casa di Apollo.



