MUSEE D’ART MODERNE DE LA VILLE DE PARIS, Janvier-Mai 2018

Le musée d’art moderne de la ville de Paris consacre une remarquable rétrospective à Jean Fautrier. On retient souvent du peintre ses « Otages », réalisés en 1943-44, visages de prisonniers de la Gestapo, point de départ selon Michel Ragon d’une nouvelle figuration, « images [selon l’artiste] de la misère humaine » et dont l’accrochage en 1945 souleva la polémique du fait du traitement d’un thème particulièrement douloureux et actuel dans une gamme délicate et tendre et selon un principe de sérialité. L’artiste travaille au couteau, sur une masse d’enduit blanc qu’il modèle librement et densément et sur laquelle il esquisse au pinceau les contours d’une forme.
Chaque tableau était peint de la même manière. Sur un fond vert d’eau, une flaque de blanc épais s’étalait. Un coup de pinceau indiquait la forme du visage. Et c’était tout.
Jean Paulhan
Toutefois, l’exposition témoigne que Fautrier est loin de se réduire à cette série emblématique. On découvre ainsi la « période noire » de ses débuts avec ses surprenants « glaciers », traités de manière frontale dans une gamme sombre relevée de quelques teintes colorées et un remarquable « Christ en croix » de 1927 au corps étrangement stylisé dont les douces courbes et la tête qui s’abandonne contraste avec les bras d’une croix décentrée ; la « période grise » qui suit, où se détache une remarquable « Forêt » au traitement beaucoup plus graphique, les troncs d’arbres qui ondulent se détachant sur un jaune froid ; le travail graphique et d’illustration (Dante, Ponge, Bataille…) de l’artiste, particulièrement épuré en ce qu’il se résume souvent à un trait concis ; la série des « objets » qui prolonge les otages par leur dense matérialité mais au travers de thèmes beaucoup plus prosaïques : « les verres », « les boîtes en carton », « l’encrier », « la clef », la remarquable toile « les boîtes de conserve » ou le singulier « l’homme qui est malheureux » : il s’agit, selon André Berne-Joffroy, « plutôt, qu’un objet, [d’]un débat entre rêve et matière » ; les impressionnants paysages aux mauves d’une grande intensité des dernières années (Milwaukee, Tourbes) ; quelques réalisations sculptées qui témoignent de l’importance du corps féminin dans son oeuvre.
S’il flirte parfois avec l’abstraction par l’effacement des formes dans une matière épaisse et torturée, Fautrier entend préserver un lien étroit avec le réel et se reconnait davantage dans l’expression d’« art informel » soit « un piège à prendre la réalité », « un art fait de l’essentiel » (entretien Jean Paulhan et Jean Fautrier).
https://www.lesechos.fr/…/0301228284962-fautrier-la…http://www.lefigaro.fr/…/03015-20180127ARTFIG00009-l…
L’exposition « Urban Riders » de Bourouissa, construite autour du film « Horse Day », tentative de réalisation d’un western contemporain tout en revisitant le mythe du cowboy incarné par le cinéma hollywoodien des années cinquante, ne m’a en revanche pas convaincue. On y retrouve toutefois quelques belles réalisations plastiques entre photographie et sculpture, cheval et automobile puisqu’il s’agit d’assemblages à partir de photographies développées sur des carrosserie, ponctuées d’accessoires d’équitation et s’inspirant parfois de techniques cinématographiques fragmentant la représentation. Des pièces de cette série ont fait l’objet d’une exposition galerie Kamel Mennour en 2015.



