MUSEE D’ORSAY, Paris, Juin – Septembre 2019

Le musée d’Orsay propose une modeste mais remarquable exposition de dessins de l’artiste britannique Tracey Emin, en dialogue avec des pièces de sa propre collection de dessins. Si cette-dernière m’a semblé assez hétéroclite, mêlant quelques œuvres de Degas, Gauguin à celles d’artistes plus secondaires (Steinlen, Guys…) mais néanmoins marquée par la même difficulté à aimer (amants séparés par des barreaux du « Baiser » de Steinlein, sensualité flirtant avec la mort de « Madame la Mort » de Gauguin (1890-91), nus meurtris, solitaires, mais mêlant détresse et plaisir, de Degas,…), les dessins d’Emin sont en revanche impressionnants.
Optant souvent pour de grands formats, une technique picturale plus que graphique (acrylique) caractérisée par une sobriété du trait redoutablement efficace et la répétition. Emin offre une vision violente quoique sensuelle, perturbante et très personnelle de l’amour, thématique de la sélection – « la peur d’aimer ». Eros et Thanatos. Force et fragilité.
For me, aggression, sex and beauty go together. Much of my work has been about memory, for example, but memories of violence and pain. Nowadays if I make a drawing I’m trying to draw love, but love isn’t always gentle … Being an artist isn’t just about making nice things, or people patting you on the back; it’s some kind of communication, a message.
Stuart Morgan, ‘The Story of I: Interview with Tracey Emin’, Frieze, no.34, May 1997, pp.56–61
Les lignes se font tremblantes, tourmentées, hachées voire brisées, miroir d’un corps qui a vécu, qui a aimé intensément, soulevé par des sentiments contraires. Emin représente des corps féminins majoritairement nus, souvent lascifs et qui semblent se donner, en dépit de leur solitude prédominante -l’autre est ici presque imperceptible, moins menaçant que les sentiments qui dominent ces corps, victimes de la fin inéluctable de l’amour-Le dessin se révèle au cœur de la pratique de l’artiste –Emin, qui reconnaît l’influence d’artistes tels qu’Edvard Munch et Egon Schiele sur sa pratique, l’enseigne à la Royal Academy of Arts de Londres-, l’une des « Young British Artists » révélées par l’exposition Sensation en 1997. Un dessin admirablement épuré, où le trait, le traitement par le contour, s’affirment, rendant les rares détails qui troublent un vide quelque peu attractif -attributs sexuels- d’autant plus prégnants. Un dessin d’où émerge une histoire intime reflétée dans les titres où s’épanche le moi : « j’ai créé du temps pour toi et moi » , « j’ai dormi pendant que tu regardais », « j’étais seule, toujours seule », « je te haissais, je te haissais, je te haissais », « j’étais debout et je pleurais », « je te voulais tellement mais c’était dans ma tête »…
My emotions force the drawing out of my hand – this explains why so many of my drawings are repeated images. It’s not because I draw the same thing, but the same moment wants to be redrawn. I am the custodian, the curator of the images that live in my mind. Every image has first entered my mind, travelled through my heart, my blood – arriving at the end of my hand. Everything has come through me
https://www.theguardian.com/…/25/tracey-emin-drawing-art
A voir jusqu’au 29 septembre.












