La photographie à l’honneur : salons 2017

GRAND PALAIS, Paris, 9-12 novembre 2017

CARROUSEL DU LOUVRE, Paris, 10-12 novembre 2017

LE MOLIERE, Paris, 9-12 novembre 2017

Eric Flogny_galerie Cedric Bacqueville_Salon approche_40 rue de Richelieu_12 novembre 2017

Week-end éminemment photographique malgré la grêle…En dépit de l’abondance de propositions au Grand Palais, Fotofever m’a semblé plus pertinente que Paris Photo : une foire à échelle humaine, avec des galeristes très disponibles et enthousiastes pour défendre et faire connaitre les œuvres exposées, des artistes également prêts à parler avec force de leur travail et non simplement là pour signer des livres, davantage de séries vraiment percutantes…Mes sélections…manifestement de plus en plus portées à l’épure formelle et une certaine abstraction.

Acte I : Paris Photo 2017

Grey Crawford, umbra 1975 78_gallery Taik persons_Paris Photo_Grand Palais_11 novembre 2017

L’américaine Alison Rossiter développe des compositions intimes proches de l’expressionnisme abstrait sans utiliser d’appareil photographique. Elle procède en collectant des papiers photographiques périmés dont elle tire en chambre noir de remarquables effets d’ombres et lumières. Un voyage dans le temps. La série « umbra », 1975-78, de l’américain Grey Crawford, se situe entre photographie et peinture. Il produit des images quasi abstraites, détails architecturaux insistant sur le jeu des lignes et la simplicité des formes, à partir d’expérimentations techniques : il utilise des masques afin d’obtenir différentes expositions sur le tirage et d’y intégrer des formes géométriques fondamentales.

La série « bond », d’Anna Reivila, se révèle marquée par le travail photographique d’Araki sur le bondage, le « kinbaku-bi », équilibre fragile entre être attaché et être au bord de la rupture, ainsi que par le land art. La photographe finlandaise recherche des éléments naturels lieux de tensions intéressantes et produit par le dessin de nouveaux volumes. Le travail de la taïwanaise Shun-Fa Yang détonne par sa remarquable singularité formelle (le recours à des formats panoramiques sur des supports ovales et parfois de tailles décroissantes). Là se développe des paysages photographiques post-apocalyptiques, lendemain de tsunami, char militaire à l’abandon…La mémoire de trauma, les indices d’une présence humaine anéantie… La galerie Camera Obscura présente de remarquables séries de Gilbert Garcin, sorte d’autobiographie teintée d’humour noir dans la tradition surréaliste, d’auto-dérision et d’absurde, à dimension universelle et quelque peu philosophique ainsi que de la coréenne Jungjin Lee, paysages photographiques résultant d’un long processus technique donnant lieu à une déclinaison de teintes quasi picturale et monochrome.

J’ai relevé par ailleurs d’intéressantes séries réalisées à partir d’éléments architecturaux : les portes et ouvertures libérant plus ou moins de lumière dans leur entrebâillement du hongrois Ferenc Ficzek ou de l’allemande Ursula Schulz-Dornburg, les détails quasi abstraits de murs ou volets de l’anglais François Dolmetsch, la série « matematie » de Giro, insistant sur la prégnance de lignes et formes géométriques dans la nature ou le paysage urbain alentours, des photographies d’architecture quasi abstraites d’Ernst Haas par la rigueur des lignes etc.

https://www.parisphoto.com/http://www.fotofever.com/

http://artshebdomedias.com/…/paris-photo-2017-belle…

/http://www.relations-media.com/…/09/approche2017frCPP.pdf

Acte 2 : Fotofever

La Photon gallery présente de remarquables séries des hongrois Aniko Robitz et Gabor Kerekes et du slovène Stane Jagodic. Robitz s’inscrit dans la tradition de l’abstraction, du suprématisme et du minimalisme. Ses photographies, bien que réalisées dans des espaces urbains identifiés, mettent en exergue une forme géométrique, un angle, un mur et les ombres projetées sur ce mur, les lignes et structures abstraites d’une architecture. Kerekes s’efforce quant à lui de représenter métaphoriquement la relation entre science et art. Il en découle des images très rigoureuses, répétition de formes géométriques, structures ou détails architecturaux d’une grande austérité. Quant à Jagodic, artiste actif depuis le milieu des années 60 et touchant à de multiples techniques, ses photomontages et photocollages se révèlent d’une incroyable efficacité visuelle, sorte de vanités photographiques abordant les thématiques fondamentales de la mort et du temps.

Yuna Yagi_Roche bois, Fotofever 2017

Rochebois, pour Fotofever 2017, met en avant le remarquable travail de l’artiste japonaise Yuna Yagi, architecte se consacrant depuis peu à la photographie. Une série de toute beauté. « Un bâtiment n’est pas seulement composé par ses matériaux et sa charpente, mais tout autant par l’ombre, la lumière, la poussière, l’air et l’odeur qui l’entourent », selon l’artiste. De fait, si elle s’intéresse à des bâtiments emblématiques du modernisme (le Corbusier, Gropius, Gehry…), elle efface leur monumentalité pour ne saisir qu’un détail d’escalier ou de façade, un angle, la lumière émergeant latéralement des ouvertures, le vide.

Vincent Descotils, les sentinelles_Courcelles art contemporain

La série « les sentinelles », de Vincent Descotils, présentée par la galerie Courcelles art contemporain, s’impose par sa singularité formelle (des petits formats ronds où les photographies sont marouflées sur du bois), sa délicatesse chromatique et la qualité compositionnelle qui la caractérise. Le titre, d’après l’artiste, renvoie à l’arbre, élément récurrent de la série. Une silhouette dans une forêt, une route qui serpente et fuit à l’horizon, une nudité qui se dessine dans la pénombre… : des images sombres et poétiques, nimbées d’une certaine mélancolie : « je travaille mes images dans un bain noir de matières variées, récoltées ou fabriquées: paysages de taches d’encres, froissement de papiers, usures du temps sur le minéral et griffures des hommes sur le métal ».

Kobe 819 Gallery présente une admirable série de So Takeshita, “profiling from death to immortality”, 2015. L’artiste, qui a délaissé récemment le graphisme pour la photographie, s’inspire d’images saisies sur la toile qu’il superpose et allège. Se dessine alors une forme de cosmologie très personnelle de formes éthérées et comme flottantes, sur fond noir. A noter également de remarquables vues de détails architecturaux du photographe attitré de Jean Prouvé, Benoist Mallet di Bento (Nohoo studio) ; la série de Carlos Ayesta et Guillaume Bression autour de la centrale de Fukushima où le temps semble suspendu dans des scènes post-apocalyptiques suite à l’incident nucléaire survenu après un tremblement de terre et un tsunami en 2011 ; de remarquables exemples de la série « des muses et hommes » de Miss tic, pièces de street art réalisées en 2000 et perdues depuis sinon pour la photographie, revisitant avec ironie des chefs-d’œuvres de l’histoire de l’art (Degas, Manet, Vinci, Botticelli…) ; les paysages très oniriques de Weldon Brewster ou encore la série intime et flou jusqu’à l’hallucinatoire de Colette Pourroy, entre rêve et réalité et chargée d’ambiguïté.

Acte 3 : Approche

Le nouveau salon photographique « Approche » réunit 14 « visions » de la photographie. Ou quand l’image photographique se libère du mur ou du papier, quand la photographie comme médium échappe aux seuls photographes et est pleinement investie par des artistes. Outre de nouvelles pièces d’Aurélie Pétrel, très belle découverte il y a quelques semaines galerie Ceysson & Bénétière ou de Raphaelle Péria, repérée également il y a quelque temps galerie Papillon, j’ai retenu la proposition de Berenice Lefebvre (galerie Eric Mouchet), « Sites », résultat d’une errance en périphérie urbaine. L’artiste enregistre des éléments photographiques et sonores dans cet espace en mutation architecturale et urbaine tout en élaborant un corpus de traces destiné à être réinvesti plastiquement. Le finlandais Eric Flogny (galerie cedric Bacqueville), déploie de magnifiques suspensions (« a forest ») consacrées au bouleau dans l’espace du salon. Comme une cartographie très étudiée d’un arbre particulièrement élégant, avec des effets de texture et de couleurs (irrégularités de l’écorce, mousses etc.), de formats et de supports (impression sur tissu d’ameublement).

Guillaume Zuili, galerie Clémentine de la Feronnière, expose une remarquable série chargée de symboles de l’Amérique des années 60-70 sur un papier photographique travaillé de sorte à produire l’effet d’une plaque de métal vintage.Thomas Hauser, galerie un-spaced, mêle photographies et sculptures, images héritées et images créées. Il procède par assemblage, fragmentation, surimpression et propose une installation photographique et sculpturale d’une grande cohérence visuelle tout en travaillant mémoires personnelle et collective. Paul Créange propose enfin une belle série de « fenêtres mobiles « . Il s’agit de photographies de paysages prises depuis un train et imprimées sur plexiglass. Le souvenir abstrait est capturé, paysage et vitre du train, dans le mobile.

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Author: Instant artistique

Conservateur de bibliothèque. Diplômée en Histoire et histoire de l'art à l'Université Paris I et Paris IV Panthéon-Sorbonne. Classes Préparatoires Chartes, École du Patrimoine, Agrégation Histoire. Auteur des textes et de l'essentiel des photographies de l'Instant artistique, regard personnel, documenté et passionné sur l'Art, son Histoire, ses actualités.

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