La sculpture dans son « champ élargi »

LA MONNAIE, Paris, Mars-Juillet 2017

A l’occasion des quarante ans du Centre Pompidou, la Monnaie de Paris accueille une sélection d’oeuvres issues des collections du musée d’art moderne. Si le champ sculptural est privilégié, et plus précisément la « sculpture au sol », amorcée par « Trébuchet » de Marcel Duchamp il y a précisément cent ans, l’exposition comprend également des vidéos ; la mémoire de performances (Valie Export, Orlan) ; des photographies dont quelques exemples de la série « Fait » consacrée aux traces de la guerre du Golfe par Sophie Ristelhueber etc.

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C’est-à-dire qu’elle couvre la sculpture dans son « champ élargi » (Rosalind Krauss), qu’elle se répande hors de l’espace d’exposition (Land art), qu’elle soit perturbée par l’irruption du corps de l’artiste (performance) ou encore qu’elle se déleste de toute forme de référencement au profit de la littéralité du matériau (minimalisme) etc. Quoi qu’il en soit, « à pied d’œuvres » s’intéresse principalement à ce basculement de la verticalité à l’horizontale et au passage de l’objet sculpté à l’objet trouvé, initiés par l’inventeur du ready made et qui bouleversent profondément la sculpture des XXe-XXIe siècles.

Le parcours propose une succession de thèmes assez singuliers pour aborder cette « révolution sculpturale » : occupation des sols, chutes, allégorie, ci-gît l’espace, corps mesure, échantillonnage, infini, gravité, à plat, terres sacrées, terre à terre, prière de marcher. Se déploient ainsi au fil des salles de l’hôtel de la Monnaie des œuvres s’emparant de la terre pour la sculpter, telles la jetée sculptée monumentale de Smithson dans l’Utah (« Spiral Jetty ») ou l’empreinte au sol d’Ana Mendieta, toutes deux évoquées à travers une vidéo. Le sculpteur Richard Serra est également représenté par une vidéo, « hand catching lead », vaine tentative de lutte contre les lois de la gravité -thématique que reprennent plus loin les pièces de Tatiana Trouvé, Toni Grand et Ulrich Rückriem-.

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D’autres artistes, tels que Pipilotti Rist, prennent pour sujet le sol même de l’exposition sur lequel est projetée une ample vidéo contemplative perturbant les repères spatiaux du spectateur. Autres formes de « mises à plat », les œuvres de Duchamp, Giacometti (« la femme égorgée ») ou Klein ; horizontalité également adoptée par Byars mais dans un sens allégorique dans l’œuvre « Red angel of Marseille », grande arabesque constituée de boules de verre, marquée par une rigoureuse symétrie et dont le rouge représente l’immortalité.

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L’introduction de matériaux périssables, modestes ou industriels dans la sculpture des XX-XXIe siècles est rappelée par les œuvres de Michel Blazy qui développe une forme simple en papier toilette, du minimaliste Carl Andre qui déploie une forme rigoureusement géométrique et dénuée de tout volume faite de fines tiges d’acier, ou encore dans la spirale faite de matériaux de rebut de Tony Cragg. A noter également la très belle réalisation de Claudio Parmiggiani, picturale et d’une grande qualité visuelle et olfactive : l’artiste emplit des caissons métalliques aux lignes minimalistes de pigments et d’épices. Ou encore « vivre », de Jochen Gerz, pièce non sans interactivité avec le spectateur et dont l’appréhension est aussi la destruction –comme dans les anti-monuments réalisés par l’artiste- puisqu’il s’agit du mot vivre inlassablement répété à la craie au sol. A voir !