LE BAL, Paris, Septembre – Décembre 2018
Découverte du travail photographique de l’américain Dave Heath au Bal, samedi dernier dont le « Dialogue with solitude » constitue l’œuvre la plus emblématique. Marqué par Eugene W. Smith et l’Ecole de Chicago dont Siskind et Callahan, Heath dépeint, dès les années 50, le sentiment d’aliénation et de solitude à l’œuvre dans nos sociétés. Ses portraits photographiques témoignent des tourments intérieurs de l’homme, notamment à la guerre, lorsqu’envoyé en Corée comme mitrailleur, il capture ses camarades plongés dans leurs pensées, dans leur intimité, vulnérables.
De retour aux Etats-Unis, il rend compte de l’expérience de l’être au monde dans sa solitude, sa « présence absence », malgré la foule et la promiscuité induites par l’espace urbain. Les visages qu’il capture dans les rues de grandes villes telles que New York, Chicago ou Philadelphie, sont fermés, exprimant la solitude ou l’ennui, une peine ou une souffrance retenues. Ils se frôlent mais s’ignorent tout comme ils semblent ignorer le photographe, repliés sur eux-mêmes, les yeux souvent baissés.
Les rares paysages photographiques présents dans l’exposition ont les mêmes caractéristiques : il ne s’agit pas pour Heath de détailler un lieu précis mais de rendre compte d’une atmosphère quelque peu oppressante, vide, froide.
L’exposition présente la maquette du livre « Dialogue with solitude », publié en 1965, suivie d’un très bel ensemble de tirages. Heath y regroupe ses photographies en dix temps : l’anarchie, la violence, l’amour, l’enfance, la vieillesse, la pauvreté, la guerre, la race, la jeunesse, la mort, chacun précédé d’un extrait littéraire. Les photographies, en noir et blanc, sont soigneusement montées et séquencées, le photographe créant des effets de résonances entre les situations, les gestes ou expressions tout en perturbant toute logique. Ces effets sont parfois recherchés lors du tirage dont Heath était un virtuose au point de retenir l’attention de Robert Frank : sans se soucier de rester fidèle au réel, il n’hésite pas à recadrer, blanchir ou assombrir certaines parties pour rehausser ou laisser dans l’ombre un détail, réinterpréter les tonalités pour sculpter la lumière. Un regard toujours singulièrement d’actualité…
https://www.le-bal.fr/2019/05/dave-heath

















