La ville et l’arbre…mais encore

PALAIS DE TOKYO, Paris, Juin – Septembre 2019

FONDATION CARTIER, Paris, Juillet 2019 – Janvier 2020

Adeola Olagunju, pilgrimage, 2018

Je ne m’attarderai guère sur les dernières expositions de la fondation Cartier et du Palais de Tokyo, sinon pour dire qu’il ne suffit pas d’une thématique captivante pour réaliser une belle exposition.

Je n’ai guère retenu que quelques œuvres dignes d’un peu d’attention dans « Princesse des villes » -« pilgrimage », d’Adeola Olagunju qui, non sans faire écho à certaines installations vidéo de Viola, projette sur des draps suspendus des photographies urbaines représentant des espaces abandonnés ou anciens de Berlin, Lagos ou Ilesha, images fragmentaires en forme de voyage intérieur ; « macho sentimental vol.2 » de Barbara Sanchez-Kane, jeune styliste qui use du détournement pour déployer un discours féministe virulent ou encore les dessins délicats de Wura-Natasha Ogunji, corps fragiles et évanescents littéralement cousus sur le papier- et à vrai dire, je m’attendais à cette accumulation peu esthétique et sensible de productions censée refléter la créativité turbulente de cinq grandes mégalopoles mais privilégiant manifestement le folklore, le kitch, le post-conceptuel et un art urbain aucunement synonyme de qualité aux dépens d’autres approches. L’ouverture de l’art aux influences populaires et multiculturelles est un apport manifeste de la modernité et de la contemporanéité, mais sous réserve que l’artiste transcende ces influences et, par le filtre de sa sensibilité, de sa pensée, de son geste, les transmue véritablement en œuvres d’art mais le bas sans le haut n’a guère d’intérêt à mes yeux…

Cassio Vasconcellos

Quant à l’exposition « à nous les arbres », elle m’a paru tout aussi décevante, présentant principalement des œuvres indigènes au regard de quelques propos scientifiques, mêlées à de trop rares œuvres d’art de meilleure tenue telles que les amples toiles de Fabrice Hyber qui s’intéresse aux principes de croissance, d’énergie, de métamorphose..du végétal, « biforcazione » de Giuseppe Penone, vaste arbre de bronze commandé en 1987 à l’artiste par la fondation, placé à l’horizontale dans les jardins et où s’écoule un filet d’eau, rappelant que pour l’artiste « créer une sculpture est un geste végétal », les remarquables photographies de Cassio Vasconcellos ou Miguel Rio Branco, le premier sur la forêt amazonienne dont il dépeint la luxuriance et le mystère en s’inspirant des représentations des premiers explorateurs, le second sur les forêts japonaises, les dessins au stylo-bille un peu naïfs de Salim Karami, inspirés de l’esthétique stylisée des tapis persans, les intéressantes séries photographiques de Cesare Leonardi ou de Sebastian Mejia sur l’arbre en milieu urbain, les installations graphiques de Johanna Calle évoquant la déforestation ou encore les dessins de peuplades paraguayennes touchées par la déforestation (Luiz Zerbini, Marcos Ortiz, Esteban Klassen…).

Il n’en demeure pas moins que l’exposition laisse une impression des plus mitigées s’agissant d’un sujet qui n’a cessé de fasciner les artistes, de les inspirer tant sur le plan formel que symbolique, depuis les débuts de la peinture de paysage à la Renaissance (Bruegel, Lotto, Patinier, Dürer…) jusqu’aux artistes les plus contemporains (Reinoso, Kiefer, Thidet, Jospin, Katanani, Laval, Gupta, Ai Weiwei…), en passant par de grands maîtres du XVIIe (Rembrandt, Claude Lorrain, Poussin, la Hyre, Hobbema, Ruisdael, Bril…), les romantiques du début du XIXe (Friedrich…), les avant-gardes de la fin du XIXe et du début du XXe (Cézanne, Van Gogh, Mondrian, Ernst…). Le parcours se serait enrichi à mes yeux d’une approche historique rappelant combien la forêt a tout à la fois subjugué et terrorisé l’homme, de par sa beauté et son mystère. Elle se faisait le réceptacle de ses peurs les plus ancestrales, synonyme d’une nature sauvage et dangereuse, au point que l’homme n’ait eu de cesse au fil des siècles de la repousser et de la domestiquer, tout en exploitant ses richesses pour se chauffer, s’alimenter, s’abriter des éléments, jusqu’à rompre l’équilibre au XXe siècle et finir par menacer son propre avenir par une déforestation débridée réduisant les réserves d’oxygène et la biodiversité de la planète…

Une autre vision des arbres dans l’Art :

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Author: Instant artistique

Conservateur de bibliothèque. Diplômée en Histoire et histoire de l'art à l'Université Paris I et Paris IV Panthéon-Sorbonne. Classes Préparatoires Chartes, École du Patrimoine, Agrégation Histoire. Auteur des textes et de l'essentiel des photographies de l'Instant artistique, regard personnel, documenté et passionné sur l'Art, son Histoire, ses actualités.

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