MUSEE DU LUXEMBOURG, Paris, Septembre 2019 – Février 2020

L’exposition « L’âge d’or de la peinture anglaise, de Reynolds à Turner », qui s’achève au musée du Luxembourg, propose une belle sélection d’œuvres de la Tate Britain. Elle s’intéresse à une période majeure dans l’histoire de la peinture anglaise, après plusieurs siècles marqués par le recours à des artistes étrangers comme portraitistes de cour et auteurs de grands décors (Holbein, Van Dyck, Rubens…). S’affirme, au cours du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, une école nationale de peinture caractérisée par la part importante des portraits individuels, portraits de famille, « conversation pieces » (soit des portraits de groupe de plus en plus spontanés et libres, proches d’une scène de genre, dans l’héritage flamand et hollandais) et du paysage –voire même une peinture animalière magnifiée par un Stubbs- à la différence des écoles françaises et italiennes où dominent toujours la peinture d’histoire et les commandes religieuses.
Cette singularité reflète l’évolution d’une société, de plus en plus urbaine –avec des commanditaires dans les rangs de l’aristocratie mais également de l’industrie et du commerce (c’est une période plutôt faste malgré l’Indépendance américaine de l’Empire colonial britannique et du commerce triangulaire)- et l’émergence d’une identité britannique. Une école bien peu représentée au Louvre et donc plutôt méconnue, dont l’exposition brosse un bel aperçu malgré l’absence d’artistes comme Hogarth. Le parcours s’ouvre sur les deux maîtres du milieu du siècle, opposés par la critique contemporaine quoique certains traits les rapprochent (héritage de Van Dyck, goût pour l’expérimentation technique et les effets de texture expressifs), Reynolds et Gainsborough, tous deux membres fondateurs de la Royal Academy en 1768. Outre d’imposants portraits en pied au traitement des plus soignés, j’ai particulièrement relevé l’admirable portrait brossé par Thomas Gainsborough, comme esquissé, de son élève, ainsi qu’un fascinant paysage boisé avec un bâtiment, aux couleurs chaudes, les arbres colorés par l’automne et la lumière du soir, de 1768-71.

Leur mort, au crépuscule du siècle, voit l’émergence d’une jeune génération incluant des artistes tels que Thomas Lawrence puis Cozens, Turner, Constable…S’affirment peu à peu des traits que l’on retrouve dans l’art des jardins ou même la philosophie empirique ou rousseauiste du temps : goût pour le « picturesque », la variété, le mouvement et l’irrégularité ; intérêt croissant pour la nature et ses variations, parfois dessinée sur le motif -le développement de l’aquarelle facilitant cette pratique-, et dans l’art du portrait, l’intimité, les sentiments entre les modèles. La période s’achève sur l’accentuation de ces tendances, les prémices du romantisme : choix de sujets dramatiques voire fantastiques (Füssli, Blake, Martin), inspirés de la littérature nationale (Shakespeare, Milton…aux sources de l’impressionnant « rêve du berger » de Füssli de 1786, qui propose une étonnante danse de personnages surnaturels et éthérés surplombant le berger endormi au 1er plan) et en rupture avec l’idéal classique de représentation de la nature d’un Claude Lorrain (référence durable des peintres anglais) au profit d’une nature menaçante, sublime, bouleversée comme les âmes des sujets.









