L’art textile de Sheila Hicks…

CENTRE POMPIDOU, Paris, Février-Avril 2018

Sheila Hicks, menhir et sentinelle de safran

« Lignes de vie », l’exposition que le centre Pompidou consacre à Sheila Hicks, se révèle beaucoup plus stimulante que « escalade beyond chromatic lands » présentée au sein du pavillon des couleurs de la dernière biennale de Venise. D’emblée, une œuvre d’une grande dextérité, d’une incroyable recherche chromatique et d’une remarquable délicatesse accueille le spectateur : « Baôli chords » ou « cordes sauvages ». Un enchevêtrement de formes réalisé en 2014-2015 et voisinant avec une pièce beaucoup plus austère bien qu’émouvante, « pockets », 1982, assemblage de poches de coton incitant le visiteur à la participation tout en renvoyant à l’aspect utilitaire et quotidien du matériau de prédilection de l’artiste.

L’art textile de Sheila Hicks se déploie entre sculpture et peinture et leur débordement par l’investissement de l’espace alentours, entre dépassement de la technique historique de la tapisserie qu’évoquent notamment les « lianes de Beauvais », du tapis traditionnel auquel « maroccan prayer rug » et « prayer rug » réalisé avec des tisserands berbères, font écho et intégration d’influences contemporaines. Ainsi, les tapis d’Hicks ne sont pas sans rappeler l’Antiform fondé par Robert Morris, tandis qu’ »Amarillo » et « Taxco et viejo », réalisées selon la technique du kilim avec des tisserands mexicains, évoquent les fentes d’un Lucio Fontana même si celles-ci résultent simplement chez Hicks du processus de tissage.

Par-delà les amoncellements ou suspensions de boules de laine (« sentinelle de safran », « rempart »), présentes à Venise, parfois corsetées de laine, on découvre d’étonnants tableaux textiles aux couleurs particulièrement étudiées, tels que « north south east west », réalisé en 2018, simplement posés à même le vitrage de l’espace d’exposition, de nombreuses lianes, d’étonnantes « minimes », petites pièces que l’artiste réalise dès 1956, « expressions personnelles » d’une grande diversité et d’une profonde poésie, ainsi qu’un remarquable « menhir », éblouissant par son raffinement tant formel que chromatique. Une œuvre d’une grande sensibilité et d’une vitalité redoutable. Comme quoi les expositions monographiques sont souvent plus passionnantes et révélatrices de l’univers et de l’œuvre d’un artiste qu’une pièce solitaire dans un propos collectif.

https://www.lesechos.fr/…/0301271390204-les…http://www.paris-art.com/sheila-hicks-centre-pompidou…/

David Goldblatt, figure de la photographie documentaire africaine dont un ensemble de pièces était présenté l’an dernier à la fondation Vuitton dans le cadre « d’Afrique du Sud, être là », est également à l’honneur au centre Pompidou. De nombreuses séries, ponctuées d’interventions vidéos de l’artiste et de légendes détaillées écrites par l’artiste, structurent le parcours d’exposition. Goldblatt s’intéresse particulièrement à l’univers minier et agricole d’un pays profondément divisé alors par l’Apartheid, puis réalise des séries sur l’architecture coloniale et les séquelles de la ségrégation urbaine à Johannesburg, Boksburg, Pretoria…. Malgré la qualité indéniable de ses portraits, souvent centrés sur des détails de corps, j’ai particulièrement retenu ses séries de paysages et ses « natures mortes » photographiques.

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Author: Instant artistique

Conservateur de bibliothèque. Diplômée en Histoire et histoire de l'art à l'Université Paris I et Paris IV Panthéon-Sorbonne. Classes Préparatoires Chartes, École du Patrimoine, Agrégation Histoire. Auteur des textes et de l'essentiel des photographies de l'Instant artistique, regard personnel, documenté et passionné sur l'Art, son Histoire, ses actualités.

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