Le diapason de Moninot

GALERIES FOURNIER ET PUTMAN, CEYSSON, LOUVET, Mars-Mai 2018

GALERIES TOKONOMA ET DUTKO, Mars-Avril 2018

Moninot Bernard_galerie Jean Fournier_18 avril 2018

Très bel ensemble de dessins et installations de Bernard Moninot galeries Jean Fournier et Catherine Putman. La galerie Jean Fournier présente « Chambre d’Echo », un impressionnant dessin dans l’espace accompagné de ses dessins préparatoires et d’une maquette. « Chambre d’Echo », fruit de cinq ans de recherches, entend matérialiser le trajet de la mémoire et du temps et évoque le phénomène de l’écho tel qu’on peut l’expérimenter en montagne. Elle s’inspire d’un souvenir d’enfance, la découverte par l’artiste du fonctionnement d’un diapason. L’idée première de l’artiste, qui n’a pu aboutir, consistait à réaliser un alphabet de lumière en miroirs découpés mis en mouvement de façon aléatoire. La pièce, entièrement blanche à l’image de la neige, est constituée d’une cabane d’une grande délicatesse et ressemblant au mécanisme d’un remonte-pente qui abrite un « lustre sonore », d’un « rideau de patience » -image d’un glacier, élément de la scène dans un théâtre cachant les objets en coulisse- derrière lequel sont disposés des objets de mémoire éclairés par les reflets d’une phrase de René Char écrite sur du miroir « les yeux seuls sont encore capables de pousser un cri », seule part mouvante de l’installation, écrite pendant la Résistance dans des circonstances dramatiques : l’assassinat, sous les yeux de l’auteur, du poète Roger Benard.

L’exposition présente par ailleurs des pièces des séries « Cadastre », sorte de météorologie mentale, dessins de la mémoire du vent, occasion par ailleurs d’une certaine libération du geste chez Moninot, et « Clinamen » -déviation de la trajectoire des atomes en mouvement dans le vide- que l’on retrouve galerie Putman avec d’autres séries dessinées dont la remarquable « A la poursuite des nuages ». Cette dernière est une suite de « dessins météorologiques » annotés minute par minute pendant le temps de leur réalisation. Il s’agit véritablement de performances dessinées le temps d’une journée. A noter par ailleurs une remarquable collagraphie sur papier préparée avec du bleu improbable…nom véritable de la couleur employée par l’artiste mais ô combien poétique…

Annotations de Bernard Moninot :

Je suis un rêve […]

INSCAPES : paysage psychique

La ligne chez Mallarmé : définition.

Espacée de tout point à tout autre pour instituer l’idée […]

L’élan des ondes circulaires. L de Vinci

Sabatté Lionel_galerie Ceysson et Benetiere_18 avril 2018

La galerie Ceysson & Bénétière accueille quant à elle sa première exposition consacrée à Lionel Sabatté où, par-delà un ensemble de sculptures assez impressionnantes, bestiaire primitif de l’artiste en feuilles de thé, en ciment et fibres végétales, en poussière, formes au bord de la destruction ponctuées de concrétions ou de pièces de métal, on relève de passionnantes « peintures » travaillées à l’acide et à l’huile. Naît de la morsure des acides des couleurs d’une grande richesse, celle de l’oxydation ferreuse. Malgré la part de hasard liée au processus de création, les compositions semblent singulièrement maîtrisées et équilibrées, le geste incisif et précisément corrosif. « L’énergie du vivant est toujours une énergie de mort, les deux vont ensemble, de pair, infiniment cycliques, observe Léa Bismuth.

Du côté des galeries, j’ai également retrouvé quelques artistes découverts lors du dernier Drawing Now : les oeuvres délicates d’Anne Gaiss, galerie Virginie Louvet, qui sonde les profondeurs du papier pour y faire naître paysages, textures quasi animales ou abstractions. L’artiste mêle fréquemment au papier du métal, argent ou cuivre, travaillé de même, par un patient retrait de matière, la ciselure. « La déconstruction du vide pour la reconstruction de la forme ». Des œuvres qui ne cessent de se renouveler à la lumière et se révèlent assez fascinantes.

A quelques pas, galerie Tokonoma, le travail d’un élève de Velickovic, Lucas Weinachter. Un univers épuré et désolé, des volumes quasiment abstraits sans l’ombre d’une figure. Des bâtiments solitaires, désertés et silencieux dans une vaste étendue plane aux couleurs sourdes et mornes, parfois traversés d’une cheminée disproportionnée, des maisons qui chutent, déracinées comme les branches qui les accompagnent…Fuite d’une catastrophe, fuite vers un changement bénéfique ? Du moins, est-il question d’’impermanence. L’artiste ne donne aucun indice, ne localise ni ne détaille ses paysages, laissant le spectateur libre de projeter toutes formes d’interprétations et de sensations.

La galerie Dutko, sur l’île saint Louis, propose un remarquable ensemble d’œuvres de l’artiste américain Pippo Lionni, « ActionReaction ». Le processus de création est quasiment performatif, l’artiste réalisant chaque toile, à la spatule et à la laque, au rythme d’une musique contemporaine. Une relecture très personnelle et légère de l’abstraction gestuelle.

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