
PALAIS DE TOKYO, Paris, Juin-Septembre 2017
« Le rêve des formes », proposition déployée à l’occasion des 20 ans du Fresnoy, réunit un ensemble d’artistes contemporains et de scientifiques et sonde leur rapport au vivant, aux formes que peut prendre la matière, inanimée ou vivante, forme, difforme, informe. Ce questionnement est sous-tendu par l’hypothèse d’une entrée dans l’anthropocène, ère géologique caractérisée par l’influence irrémédiable de l’homme sur la terre. Ma sélection…
Le travail photographique de Julien Charrière se développe entre documentaire et fiction, référence au premier site d’essais nucléaires soviétique kazakh et à une nouvelle de JG Ballard. Les expérimentations réalisées par l’artiste, lequel confronte ses négatifs à du sable radioactif, donnent naissance à des paysages inquiétants et cependant poétiques de ruines post-apocalyptiques. La série photographique réalisée par Smith & Antonin Tri Hoang, entre musique et art, évoque également l’impact -l’altération physiologique- des radiations.
L’installation présentée par la canadienne Sylvie Chartrand, « la clepsydre », 2002, questionne le surgissement de la forme humaine aux limites de l’abstraction, à travers le déplacement d’un corps spectral sur les tranches d’un cube d’eau virtuel. L’artiste autodidacte Ryoichi Kurokawa présente un remarquable dispositif sonore et visuel, « mol » (en référence au symbole chimique), 2012. L’artiste déconstruit et recompose ici des formes en perpétuel mouvement et indissociables de véritables architectures sonores. Le réel s’abstrait, les sens entrent en correspondance, interrogeant représentation et perception. Olivier Perriquet, artiste et mathématicien, projette un flux vidéo d’images de baleines blanches, images traitées informatiquement jusqu’à rendre la forme incertaine et abstraite.
Adrien Missika réalise un herbier relevé au gré de ses voyages et appliqué sur des fenêtres d’un immeuble des années 60, alliant ruines modernistes et nature également menacée. Alain Fleischer, directeur du Fresnoy, est présent à travers plusieurs vidéos de qualité : « l’apparition du monstre », inspirée par les malformations d’un cactus, malformations que l’artiste reporte sur différents objets afin de montrer l’importance de l’anomalie, de la discontinuité, de la rupture, dans la recherche formelle. Là est la surprise ou l’émotion selon lui. Une autre vidéo met en regard scientifiques et musiciens car…« il n’y a pas de pensée sans son ».
Autres réalisations vidéo à voir : l’ensablement du Palais de Tokyo par Hicham Berrada, Sylvain Courrech du Pont (chercheur inventeur d’une machine à fabriquer des dunes) et Simon de Dreuille (architecte) ; le déplacement d’une dune au Pérou, performance monumentale, engagée mais relevant du mirage, « œuvre de Land art pour ceux qui n’ont pas de terre », selon son concepteur, Francis Alÿs, assisté de 500 étudiants ; la vidéo d’animation de Bertrand Dezoteux, rapprochée formellement d’une sculpture de Bruno Gironcoli etc.



