ECOLE NATIONALE SUPERIEURE DES BEAUX-ARTS, Paris, Avril 2016

La lumière était belle en ce début d’après-midi ensoleillé, idéale pour apprécier pleinement les couleurs, intenses, incroyablement recherchées, des toiles de Lei Xie aux beaux-arts de Paris. L’accrochage se révèle particulièrement réussi, avec des toiles pour partie vues chez Anne de Villepoix en 2015 telles « challenge », « murmur », la remarquable toile « eclipse », champ ponctué de flaques sur lequel se dessine une lointaine forêt habitée de formes humaines ; et d’autres peintures témoignant de recherches différentes : « X », « tunnel », « pleasance », les couleurs chaudes d’une grande violence et intensité de « purified of enjoyment »…

Lei Xie, purified of enjoyment 2014 
Lei Xie, blurry 2015
La recherche, c’est là l’un des principaux objets de l’exposition : donner à voir le fruit de trois ans de recherche dans le cadre du programme SACRe (science art création recherche). Une recherche de 3e cycle inédite au sein d’une école des beaux-arts et donnant lieu, outre l’exposition, à la publication d’une thèse d’un nouvel ordre, orientée vers la « pratique » comme le souligne l’artiste.


Lei Xie, When East Meets West_2015
L’exposition rend parfaitement compte de ce travail, donnant à consulter cette thèse « entre chien et loup. Poétique de l’étrange pour un peintre aujourd’hui » : un ensemble de textes et de reproductions de toiles sur des thématiques qui résonnent dans l’oeuvre de XIE Lei : le sublime, le romantisme, l’inquiétante étrangeté, la mort, la pratique, la forêt, l’identité etc. et un livre en accordéon -inspiré des rouleaux de peinture chinoise- dédié à des oeuvres de l’histoire de l’art qui l’ont marqué : « les trois crânes » de Théodore Géricault, « la pendaison » de Jacques Callot confrontée à une oeuvre anonyme du kitab al bulhan, « Vénus et Cupidon volant du miel » de Cranach l’ancien, « le moine au bord de la mer » de Caspar David Friedrich confronté à l’histoire de Nastagio degli onesti de Sandro Botticelli, « september » de Gerhard Richter confronté à une toile de Polke etc. Très belle idée que de laisser se dessiner cet atlas visuel dans l’exposition à l’aide d’une lampe de poche : les rapprochements et confrontations entre les oeuvres n’en sont que plus doux et efficaces.
Une prise de recul tout à fait intéressante et proposant de nouvelles lectures de sa peinture, qui rappelle également combien la culture, particulièrement visuelle, de Lei Xie est à la fois orientale et occidentale. L' »entre chien et loup », soit ce moment du jour où, « la lumière déclinant, les évidences s’estompent : le doute, la confusion des images et du sens s’installent, le chien protecteur se change en loup menaçant », peut en effet apparaître comme emblématique d’une peinture entre figuration et abstraction, qui laisse souvent place à la dualité, à l’ambiguïté, à la tension.
Ravie d’avoir vu ou revu ces oeuvres que je trouve d’une grande qualité et profondeur et d’avoir pu croiser et féliciter Lei dans les salles d’exposition. A voir jusqu’au 13 avril.







