MUSEE DE L’ORANGERIE, Paris, Avril-Août 2018

Courte mais intéressante confrontation entre « le dernier Monet », celui des Nymphéas, celui qui brouille peu à peu les frontières entre les fleurs, l’eau, ses reflets, le ciel, en une vaste floraison de couleurs et de traits enchevêtrés, et l’abstraction américaine. La découverte des « nymphéas » aux Etats-Unis -suite à l’acquisition d’une toile par le MOMA en 1955- coïncide en effet avec l’affirmation de l’expressionnisme abstrait. S’appuyant particulièrement sur les écrits de Greenberg, l’exposition du musée de l’Orangerie entend inscrire l’expressionnisme abstrait dans l’héritage de Monet et des impressionnistes plutôt que celui de Cézanne, souvent perçu comme l’un des grands avant-coureurs de la modernité. Greenberg, dès 1948, note des affinités entre un Pollock et un Tobey et les œuvres de Pissarro et surtout de Monet, précurseur par sa remise en cause du tableau de chevalet par le choix de formats monumentaux, le décentrement des compositions, la sérialité, la répétition d’éléments identiques ou similaires emplissant la surface, le principe latent du « all-over » – composition uniforme sur toute la surface débordant le cadre- ou des « color fields » ; en 1955, dans « American Type painting », il place les œuvres de Clyford Still et Barnett Newman dans la lignée du dernier Monet.
Ce-dernier déclarait par ailleurs dès 1944 :
[…] ce n’est pas [Cézanne] qui a déclenché la révolution dite de l’art moderne. L’honneur en revient aux impressionnistes […]. Ils ont libéré l’artiste de l’influence de la Renaissance et de ses séquelles académiques […] « .« Il a suffi de quelques années pour que plusieurs Américains, qui allaient devenir les plus novateurs des peintres d’avant-garde redécouvrent [Monet] avec enthousiasme. […] Ses larges barbouillages de peinture éclaboussée sur la toile et ses gribouillages leur montraient aussi que la peinture sur toile devait pouvoir respirer ; et que, lorsqu’elle respirait, elle exhalait d’abord et surtout la couleur – par champs et par zones plutôt que par formes ; qu’enfin, cette couleur devait être sollicitée de la surface autant qu’y être appliquée.
Clement Greenberg

Joan Mitchell, sans titre 1964 
Philip Guston, painting 1954
Le critique Louis Finkelstein et Elaine de Kooning (1955-1956) vont jusqu’à faire état d’un « impressionnisme abstrait » pour évoquer la peinture de Philip Guston, Joan Mitchell, Sam Francis….(et les distinguer de Pollock ou Rothko). Ces artistes se rapprocheraient des impressionnistes en ce qu’ils cherchent à représenter les « effets optiques », non plus en lien avec la nature comme leurs grands prédécesseurs mais en écho avec des « états spirituels ». Ou dit autrement par Mitchell, « Je peins à partir de paysages que je porte en moi et des sensations que j’en retiens ».

Pollock, untitled 1949 
Claude Monet, le pont japonais 1918 24
Une lecture intéressante, qui s’appuie sur un ensemble de toiles de Jackson Pollock, Mark Rothko, Morris Louis, Joan Mitchell, Mark Tobey, Philip Gutson, Ellsworth Kelly, Willem de Kooning…ponctué de toiles du maître dont plusieurs versions du « pont japonais ». A noter, pour ponctuer ce parcours principalement pictural, une mise en relation vidéo des processus de création de Monet et de Pollock (extrait de film toujours fascinant de Hans Namuth).
Jackson Pollock vu par Hans Namuth, un extrait est projeté dans l’exposition « l’abstraction américaine et le dernier Monet », actuellement au musée de l’Orangerie





