ATELIER ERIK NUSSBICKER, Paris
CENTRE WALLONIE BRUXELLES, Paris, Mai-Septembre 2016
GALERIE KARSTEN GREVE, Paris, Mai-Juillet 2016

Une visite d’atelier très enrichissante grâce à Florent Maubert et à l’artiste, bien entendu, Erik Nussbicker. J’avais pu découvrir son travail à l’occasion d’un accrochage collectif au musée de la chasse mais il a pris toute sa cohérence et son sens hier matin au sein de l’atelier, à travers les mots de l’artiste face à son oeuvre : sculptures, peintures, installations. Un homme cultivé -« aimer c’est connaître », dit-il aux détours d’une phrase, méthodique, profondément engagé dans la création. La première oeuvre qu’il évoque longuement, « le cerf », 2000, participe de la première étape de son travail : les ossements animaux et humains. Il s’agit d’une vaste installation, sur un tapis de crin de cheval, fait d’ossements de cerf.


Chaque ossement a été plus ou moins profondément transformé pour donner lieu à des sons, instruments de musique artisanaux, uniques, qu’il performe après avoir étudié la lutherie occidentale et orientale. « Les matériaux ont […] quelque chose à dire ». Il observe également que lorsqu’un os est visible, il y a problème et dès lors, pour lui, possibilité d’un questionnement. Au mur, de curieux assemblages faits d’ossements et de bambous soigneusement choisis, les « animaloutils », 2014 et à proximité une oeuvre d’une grande délicatesse : un os humain surmonté d’une maison miniature, sorte de sphère terrestre symbolique, continué par des tiges auxquelles sont fixés des crayons de couleur.


Un autre pan de son oeuvre naît de la méditation. En résulte des peintures sur soie assez abstraites et colorées, toujours composées d’une sphère, à l’image de son ressenti au cours d’un instant de méditation. Nussbicker travaille parfois directement avec le vivant, en l’occurrence des mouches, objet d’un élevage et contrôlé par l’alimentation pour former sur du papier de mûrier les lettres du mot A.M.O.U.R ou encore le contour d’un crâne. Des oeuvres mouvantes et quelque peu éphémères, reprises en projection dans l’espace d’exposition et tout à fait intéressantes.


Il emploie également le bronze, notamment dans le très bel objet sonore le carnyx (2009), assemblage de cornes surmonté d’un crâne, ou encore dans une petite cloche en forme de tour de Babel tout à fait hypnotique lorsque mise en mouvement à l’instar d’une toupie. Difficile de résumer deux heures d’échanges en quelques lignes mais je reverrai avec plaisir ces très belles pièces en quête de l’essence de l’humain et qui posent pour la plupart un autre regard sur le matériau le plus abrupt peut-être pour l’homme dès lors qu’il renvoie à sa condition de mortel : l’os.




J’ai poursuivi cette rencontre dans le Marais, entre surréalisme et arte povera. Une exposition de qualité consacrée à Paul Delvaux au centre Wallonie Bruxelles. J’ai été particulièrement impressionnée par sa grande crucifixion : une composition atypique, plan rapproché, des squelettes à la place des crucifiés, des armures noires en guise de soldats…


Quant à l’exposition Kounellis à la galerie Karsten grève, elle constitue un beau complément à l’exposition qui lui a été récemment consacrée à la Monnaie. La plupart des oeuvres diffèrent et travaillent une thématique marine ou agraire : ancre rouillée, filet de pêche, lainages et cordes etc.
J’ai vu le sacré dans les objets communs.[…] J’aime l’olivier, la vigne et le blé. Je veux le retour de la poésie par tous les moyens : par l’exercice, l’observation, la solitude, la parole, l’image, la subversion.

