MUSEE D’ART CONTEMPORAIN, Lyon, Septembre 2017-Janvier 2018
LA SUCRIERE, Lyon, Septembre 2017-Janvier 2018

Retour sur la 14e biennale de Lyon…l’occasion d’un dialogue parfois fascinant entre avant-gardes historiques et œuvres plus contemporaines, notamment la magistrale salle où se déploient, sur les pourtours d’une vaste installation tissée du brésilien Ernesto Neto, un mobile de Calder singulièrement blanc, bien qu’il s’agisse d’une pièce bicolore, des sculptures épurées et « biomorphiques « de Jan Arp, une « fine di dio » de Lucio Fontana à laquelle fait écho, à quelques pas de distance, une belle pièce d’Alberto Burri, objet troué et paradoxalement retrouvant toute sa matérialité par le feu, « plastica », 1964…L’installation aux formes organiques de Neto, en parfait équilibre par le jeu des poids et contrepoids de sable, requiert une interaction avec le corps du spectateur, invité d’ailleurs à investir l’une des œuvres et à dominer l’autre depuis un marche-pied.

Hans Richter ghosts before breakfast 1928_MAC 
George Brecht void_Sucriere
Autre fil directeur de cette biennale, la présence essentielle -sans doute excessive car s’il importe qu’un commissaire définisse des axes forts au parcours qu’il propose au visiteur, ces axes ne doivent pas à mes yeux être exclusifs et réducteurs- du son et de la vidéo…C’est toutefois l’occasion d’apprécier la grande qualité des œuvres vidéo de Bruce Conner, tout particulièrement « Easter morning », film contemplatif, hypnotique, exploitant tous les possibles du support tout en jouant avec les codes de la peinture abstraite. Dans un tout autre registre, celui du cinéma dadaïste, se situe « Ghosts before breakfast », 1928, d’Hans Richter, succession d’images fixes surréalistes. Esprit sardonique que l’on retrouve chez le collectif japonais Chim Po (« Black of death », 2013), qui attire, dans le cadre d’une performance filmée, une nuée de corbeaux à sa suite, revisitant des lieux marqués par les catastrophes (Fukushima, Hiroshima).

Hector Zamora, synclastic anticlastic 2010_Sucriere et dessin mural de Godinho 
Lars Fredrikson, ensemble d’oeuvres 1968_MAC
Enfin, la performance filmée d’Hector Zamora, « ruptura », 2017, constitue sans doute l’acmé de ce parcours vidéo, mémoire d’une intervention collective impressionnante qui se déroula en septembre dernier à Lyon et durant laquelle 150 personnes vêtues de noir arrachèrent chacune les pages d’un livre noir pour les laisser tomber dans le vide. Malgré le symbolisme tragique de cette scène, la destruction de livres ne pouvant qu’évoquer les autodafés dans la mémoire collective, le propos de l’artiste mexicain se veut optimiste, exprimant une forme de catharsis, de table rase. Côté sonore, j’ai particulièrement apprécié le travail du suédois Lars Fredrikson, qui, dans la postérité de l’art cinétique, de l’art minimal et de l’art conceptuel, lie le visuel et le sonore à travers la matérialisation sur papier électrosensible de sons enregistrés dans l’espace ; tandis que Cerith Wyn Evans réinvestit la forme du mobile par le son, dans « a=p=p=a=r=i=t=i=o=n », 2008, dont le titre s’inspire d’un poème de Mallarmé.

Marco Godinho_Sucriere 
David Tudor, rainforest V 2015_MAC
La part du conceptuel, depuis le ready-made de Marcel Duchamp évoqué dès les premières salles du musée d’art contemporain avec le déploiement d’une valise et des dessins facsimilés préparatoires au Grand Verre, jusqu’aux ready made modifiés en objets sonores du compositeur américain David Tudor, collaborateur de Cage, en passant par « love to », de Robert Barry, la tour de Babel de transistors du brésilien Cildo Meireles, l’écriture par la mer de Marco Godinho, les injonctions délicates à « vivre » de Jochen Gerz, dispositif fragile que le spectateur efface au fil du temps, témoigne elle aussi un peu trop des obsessions du commissaire (de même que la forte présence de la scène brésilienne). Duchamp, Cage…une lecture toujours un peu trop orientée et partiale de l’art contemporain.

Hans Haacke, wide white flow 1967 2017_Sucriere 
Alberto Burri, Plastica 1964_MAC
Si la sélection proposée par le MAC m’a semblé supérieure, la Sucrière recèle quelques pièces intéressantes, notamment « Wide White flow » et « Together », 1969-2017, de l’allemand Hans Haacke. La première, composée d’une vaste pièce de soie agitée par des ventilateurs, produit une ondulation permanente, un sentiment d’instabilité et de soulèvement ; la seconde est constituée d’un réseau de tubes parcourus d’eau ou d’air, se croisant, se ramifiant, métaphore ambigüe, du fait de la vacuité du dispositif, du collectif. Une autre œuvre d’Hector Zamora retient également l’attention : il s’agit cette fois d’une suite de sculptures en béton évoquant le vol d’oiseaux et constituant en soi un oxymore.
Du côté de la création sonore, également mise en exergue sur ce site, j’ai retenu l’œuvre assez troublante de l’américain Doug Aitken, « Sonic Fountain », bassin empli d’une eau laiteuse surmonté de robinets gouttant dont le son est enregistré par des microphones, tandis que Dominique Blais, particulièrement omniprésent dans cette biennale, propose une œuvre délicate de verre et de métal, « sans titre (les cives) », 2014, qui malgré leur apparence de cymbales n’émet pas le timbre métallique attendu de l’instrument.
http://www.lemonde.fr/…/14e-biennale-de-lyon-des-songes…
http://www.lesinrocks.com/…/14e-biennale-de-lyon…/
































