MUSEE DE CLUNY, Paris, Octobre 2018 – Janvier 2019

Plongée dans le bestiaire médiéval dans un musée de Cluny en pleine rénovation. Si la nouvelle scénographie des lieux se révèle plutôt agréable et aérée, l’exposition « la naissance de la sculpture gothique » m’a semblé trop érudite. L’analyse détaillée de chaque pièce, fragment de chapiteau, statue-colonne, retable sculpté etc. se fait aux dépens du dégagement des grands traits de cette période charnière entre le roman et le gothique qu’est le premier XIIe siècle et plus précisément les années 1130-1150, étudié à travers le décor sculpté de quelques édifices emblématiques, pour certains démantelés : les cathédrales de Chartres, de Reims ou de Paris, le cloître et l’abbatiale de saint Denis, l’abbaye sainte Geneviève…
Chapiteau engagé 2 griffons encadrant un homme en buste émergeant des rinceaux, Cathédrale Sens, 1140 3 têtes de statues colonnes Moise, prophète, Samuel, collégiale Mantes, 3e quart XIIe
Dans un contexte relativement prospère et marqué par des réformes politique et ecclésiastique, la période se singularise par une réelle dynamique intellectuelle -identifiée par certains historiens sous le terme de « renaissance du XIIe siècle »-, notamment dans les monastères, et accompagnée de nombreuses traductions de textes grecs et arabes et d’un renouveau de la culture antique. Sur le plan artistique, la stylisation, les motifs décoratifs, parfois géométriques, le hiératisme, d’une sculpture romane encore prégnante reculent au profit d’un certain naturalisme qui se diffuse par le jeu de la circulation des artisans et des modèles.
Les éléments sculptés se dégagent peu à peu de l’architecture et reprennent des motifs antiques tels que la feuille d’acanthe ou des motifs végétaux mêlés à des personnages et des animaux réels ou fabuleux (sirènes oiseaux, harpies, griffons, chimères…), tandis que les figures s’animent, se font plus expressives (têtes de statues-colonnes de la collégiale de Mantes, statues-colonnes de la cathédrale de Chartres). Nombre de fragments se révèlent d’une grande qualité non sans être quelque peu émouvants par la vitalité de l’imaginaire à l’œuvre et une certaine naïveté de représentation.
A noter par ailleurs un remarquable fragment sculpté renaissant, à décor de candélabre, provenant du château de Gaillon (1er XVIe siècle) et une installation de Claude Rutault dans l’exposition consacrée aux licornes.



