
PARIS, 7 Octobre 2017
La thématique de la nuit blanche 2017 laissait quelques doutes sur la qualité esthétique des œuvres sélectionnées. En effet, « faire œuvre commune », soit un focus sur des œuvres collectives, hybrides et relevant d’une forme d’« art social », ne pouvait guère ménager à mes yeux une place aux œuvres les plus fortes, bouleversantes, novatrices, de la contemporanéité en ce que celles-ci, généralement fruits d’une personnalité singulière apte à exprimer et sublimer au travers d’un media, d’une technique, les passions les plus universelles et existentielles, tendent à transcender toute réduction à un discours.
De fait, face aux œuvres des collectifs rencontrées au centre de Paris, qu’il s’agisse de Chto Delat sur le parvis de l’Hôtel de Ville, sur le thème des révolutions (1917, 1968 etc.), du pôle d’exploration des ressources urbaines place Baudoyer tentant de recenser des gestes d’hospitalité, ou encore du chorégraphe Olivier Dubois accompagné de danseurs et instrumentistes aux Halles, l’émotion esthétique était absente, le spectaculaire, une approche documentaire et un performé sommaire l’emportant sur une perception plus viscérale de la création.

children of the light_église st Merry 
Anima_bibliothèque Forney
Je ferai toutefois une exception pour l’impressionnante installation lumineuse et sonore, structurée et rythmée sans être musicale, mystérieuse, froide et quelquefois inquiétante sans aller jusqu’à la poésie ou à l’onirisme, de children of the light, « à notre étoile », à l’église st Merry, œuvre d’un duo d’artistes concevant habituellement l’atmosphère lumineuse de concerts de musique électronique et qui proposait pour nuit blanche une profonde transformation de l’espace architectural de cette superbe église du XVIe siècle. De même pour les projections de l’association êtrecontemporain ?, « Anima », dans la cour de la bibliothèque Forney : sans être bouleversante, la confrontation soudaine, au détour d’une rue, avec un monumental oiseau de nuit projeté sur les murs de l’hôtel de Sens (gothique) ou la danse d’une écrevisse a quelque chose d’émouvant voire de souriant.
Singulièrement, on retrouve cette confrontation directe et magnifiquement filmée avec un rapace dans l’œuvre de Jeremy Deller, l’une des plus stimulantes de cette soirée et, sans surprise, l’œuvre d’UN artiste. La collection Pinault proposait en effet dans le jardin Nelson Mandela, près de son futur musée à la bourse du commerce, la projection d’ « English magic », œuvre représentant la Grande Bretagne à la biennale de Venise de 2013. Par-delà le plaisir inspiré par l’atmosphère musicale de l’œuvre et tout particulièrement « a man who sold the world » de Bowie, l’artiste interroge non sans une certaine ironie autocritique et sous la forme d’une parade ponctuée d’images de percussionnistes amateurs prises dans les studios d’Abbey Road, des éléments hétéroclites de l’identité britannique et leur caractère fédérateur : Stonehenge en forme de parc gonflable pour enfants, le rock, la fauconnerie, le syndicalisme, les lords…Il prend dans le même temps position pour une perception ouverte de la culture, high and low confondus, dès lors qu’elle ne cesse d’être rejouée, transformée, ritualisée.

Off_Lionel Sabatté_Pont st Louis 
Strokar_centre wallonie bruxelles
Les rares installations sculpturales de cette édition m’ont également semblées plus pertinentes que bien des performances, qu’il s’agisse du groupe de Lionel Sabatté sur le pont st Louis, maigres figures faites de rebuts de matériaux de construction mêlés de matériaux d’origine végétale, décharnées et comme inachevées, entre vie et mort ou, selon une lecture plus optimiste, images d’une humanité en devenir, ou de la carcasse de Jonathan Puertas, qui, dans cette ambiance nocturne à la fois douce et silencieuse, transformait le square Léopold Achille et ses alentours en atmosphère post-apocalyptique particulièrement troublante et puissante. A noter également une riche exposition sur le street art au centre Wallonie Bruxelles.
Pour conclure, en dépit du programme 2017, la nuit blanche est toujours l’occasion, ne serait-ce que via le Off, de se confronter à quelques œuvres dignes d’intérêt, de redécouvrir, autrement, car la nuit change prodigieusement la perception de l’espace et de la ville, des sites de toute beauté comme les églises st Merry et st Eustache. Il est toutefois très regrettable que maints sites ne respectent pas les horaires annoncés au programme et confrontent dès lors le visiteur à une porte close dès 1-2h du matin. Impossible dès lors, avec les temps de déplacements, de voir l’essentiel des propositions même regroupées géographiquement.


























