OPERA GALLERY, Paris, Mai – Juin 2021
Plus d’un an après les expositions du Louvre et du Centre Pompidou consacrées au centenaire de l’artiste, voici une nouvelle occasion irrésistible à mes yeux de contempler quelques toiles de Pierre Soulages. L’Opera gallery, située à quelques pas de l’Elysée, accueille dans un vaste espace d’exposition baigné de lumière de plus de 1000m2 une douzaine d’outrenoir, une toile bleu outremer de 1988 balayée de lignes noires, inspirée à l’artiste semble-t-il par un jour de mistral à Sète- ainsi qu’une toile de 1974 réalisée après deux années consacrées au travail sur papier et quelque peu annonciatrice des évolutions ultérieures de l’artiste, le noir commençant à investir le champ pictural.
Dès l’entrée, un superbe polyptyque de plus de trois mètres de haut nous accueille, Peinture 324 x 181 cm, 12 février 2005. L’œuvre, constituée de quatre toiles superposées recouvertes de parties lisses et de parties striées, fait magistralement écho aux Outrenoirs des années 1996-1997 dont la surface unifiée prédomine. Le recours au polyptyque permet à Soulages d’envisager de grands formats tout en rompant la continuité de la surface picturale et en la dynamisant, les oppositions de textures, lisse ou striée, mate ou brillante, absorption ou réfraction de la lumière, épaisseur ou aplat, donnant naissance à un rythme pictural unique. La verticalité monumentale de la toile renvoie à l’image, chère à l’artiste, de la stèle.
Les toiles, présentées dans une scénographie tout en épure, sont de toute beauté et invitent à la méditation, l’évocation d’un rythme, du geste de l’artiste dialoguant avec la lumière jaillissant inlassablement de l’obscurité, transcendant le pigment noir, animant la peinture au gré de l’éclairage, des variations de textures et des déplacements du spectateur.