Outrenoir à l’Opera Gallery

OPERA GALLERY, Paris, Mai – Juin 2021

Soulages Pierre_Opera gallery, Paris_29 mai 2021

En peinture, j’aime l’autorité du noir. C’est une couleur qui ne transige pas et qui, par contraste, éclaire les couleurs sombres. Une couleur violente mais qui incite pourtant à l’intériorisation. Elle n’est pas de ces couleurs qui vous sautent au visage et vous remplissent les yeux. Le noir a une gravité, une évidence, une autonomie. Le noir est à la fois couleur et non-couleur. Il contient en lui toutes les autres couleurs et, pourtant, il est celle que l’on rencontre le moins dans la nature. Il induit donc un degré d’abstraction supérieur à toutes les autres. Il crée les plus forts contrastes et, quand la lumière s’y reflète, il la transforme, la transmute, lui donne une qualité émotionnelle très particulière. Il ouvre un champ mental qui lui est propre.

Pierre Soulages. Outrenoir. Entretiens avec François Jaunin, Lausanne : la bibliothèque des arts, 2012

Plus d’un an après les expositions du Louvre et du Centre Pompidou consacrées au centenaire de l’artiste, voici une nouvelle occasion irrésistible à mes yeux de contempler quelques toiles de Pierre Soulages. L’Opera gallery, située à quelques pas de l’Elysée, accueille dans un vaste espace d’exposition baigné de lumière de plus de 1000m2 une douzaine d’outrenoir, une toile bleu outremer de 1988 balayée de lignes noires, inspirée à l’artiste semble-t-il par un jour de mistral à Sète- ainsi qu’une toile de 1974 réalisée après deux années consacrées au travail sur papier et quelque peu annonciatrice des évolutions ultérieures de l’artiste, le noir commençant à investir le champ pictural.

Soulages Pierre, Peinture 324 x 181 cm, 12 février 2005_Opera gallery, Paris_29 mai 2021

Dès l’entrée, un superbe polyptyque de plus de trois mètres de haut nous accueille, Peinture 324 x 181 cm, 12 février 2005. L’œuvre, constituée de quatre toiles superposées recouvertes de parties lisses et de parties striées, fait magistralement écho aux Outrenoirs des années 1996-1997 dont la surface unifiée prédomine. Le recours au polyptyque permet à Soulages d’envisager de grands formats tout en rompant la continuité de la surface picturale et en la dynamisant, les oppositions de textures, lisse ou striée, mate ou brillante, absorption ou réfraction de la lumière, épaisseur ou aplat, donnant naissance à un rythme pictural unique. La verticalité monumentale de la toile renvoie à l’image, chère à l’artiste, de la stèle.

Les toiles, présentées dans une scénographie tout en épure, sont de toute beauté et invitent à la méditation, l’évocation d’un rythme, du geste de l’artiste dialoguant avec la lumière jaillissant inlassablement de l’obscurité, transcendant le pigment noir, animant la peinture au gré de l’éclairage, des variations de textures et des déplacements du spectateur.

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Author: Instant artistique

Conservateur de bibliothèque. Diplômée en Histoire et histoire de l'art à l'Université Paris I et Paris IV Panthéon-Sorbonne. Classes Préparatoires Chartes, École du Patrimoine, Agrégation Histoire. Auteur des textes et de l'essentiel des photographies de l'Instant artistique, regard personnel, documenté et passionné sur l'Art, son Histoire, ses actualités.

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