Paris à l’âge du romantisme

PETIT PALAIS, Paris, Mai – Septembre 2019

LOUVRE, Paris, Juin – Septembre 2019

Préault, tuerie, 1834

Le musée Carnavalet étant en cours de restauration, le petit Palais prend le relai sur l’histoire de Paris en proposant une vaste exposition sur le Paris du 1er XIXe siècle, de la chute de Napoléon à la Révolution de 1848. Si l’exposition s’intitule « Paris romantique 1815-1848 », elle ne se cantonne pas à l’expression du romantisme mais entend dépeindre la ville à une époque caractérisée tout à la fois par un profond désenchantement au terme de l’épopée napoléonienne, une effervescence artistique, intellectuelle et politique (deux Révolutions en quelques décennies, un désir de liberté d’expression, de liberté d’association s’exprimant avec virulence dans la presse régulièrement muselée par la loi (le magistral « Rue Transnonain, le 15 avril 1834 », de Daumier, en témoigne).

Barye, tigre dévorant un gavial_Paris romantique_Petit Palais, Paris_10 août 2019

Certes, quelques œuvres importantes du romantisme sont présentes, dont l’impressionnante « Tuerie » de Préault, 1834, qui perturbe l’ordonnance du relief classique par la contraction de l’espace, l’entassement de visages bouleversés par la douleur, aux bouches tordues ou hurlantes, aux mains crispées, sans référence à un massacre précis, « le tigre dévorant un gavial » de Barye, « la course de chevaux libres » de Géricault, 1817, « le Christ au jardin des Oliviers », 1827 peint pour l’église st Paul st Louis, ou « les convulsionnaires de Tanger », 1837-38, de Delacroix, « le Roland furieux » de Duseigneur, expression furieuse du désespoir. Les plus emblématiques, le « Radeau de la Méduse » de Géricault (1818-1819) et « la Liberté guidant le peuple » de Delacroix (1830), n’ont toutefois pas quitté les cimaises du Louvre et ces œuvres voisinent avec maintes propositions beaucoup plus anecdotiques. Les caractéristiques du romantisme ne sont par ailleurs dessinées qu’entre les lignes (expression de la passion, de la sensibilité, de la mélancolie de l’artiste, reflétée dans le sublime de la nature, quête d’exotisme, de fantastique, de nouvelles sources d’inspiration telles que le Moyen Age gothique plutôt que l’Antiquité, Shakespeare, Rousseau, Chateaubriand et des légendes nationales plutôt qu’Ovide ou Virgile…) le propos de l’exposition étant avant tout d’évoquer l’atmosphère de la ville à cette époque.

Pour ce faire, il est fait appel, avec pertinence, à tous les arts : peinture, sculpture, dessin, estampe, mais aussi littérature (Hugo, Stendhal…), musique (Liszt, Paganini et les maîtres de l’opéra italien : Verdi, Bellini, Rossini), mode, arts décoratifs…et même l’architecture…le parcours rappelant par exemple que dans son désir de réconciliation Louis Philippe achève les chantiers napoléoniens tels que l’arc de triomphe (ce que rappelle l’esquisse du Départ des volontaires de Rude, 1833-36), dresse l’obélisque sur la place de la Concorde en renonçant à un projet plus monarchiste sur cette place où tombèrent les têtes de Louis XVI et Marie Antoinette. Se dessine une image contrastée et plutôt exaltante de Paris, avec ses faubourgs encore ruraux dont témoigne admirablement le « Paris vu de Montmartre », 1822, de George Arnald, l’élégance la plus raffinée côtoyant une misère croissante avec l’industrialisation, le travail des enfants, la prostitution, les tendances « modernes » en art tentant de bousculer l’académisme du Salon.

Füssli, 5 études de têtes masculines d’ages divers, 1778_Allemagne romantique_Petit palais, Paris, 10 aout 2019

Parallèlement, le Petit Palais présente des feuilles de la collection de Goethe ou sélectionnées par lui pour le grand-duc de Saxe-Weimar (« l’Allemagne romantique »), à ne pas manquer principalement pour les deux très belles salles consacrées à un précurseur du romantisme, Johann Henrich Füssli (« Achille et Athéna », 1815, « cinq études de têtes masculines d’âges divers », 1778, « jeune femme éplorée étendue sur une tombe », 1778-79, « le Mélancolique », 1772-78, « la scène du balcon », 1815) et un de ses principaux représentants avec ses paysages sublimes aux arbres dénudés, à la symbolique complexe et incitant à la méditation, caractérisés par une ligne précise et subtile et l’absence de perspective, Caspar David Friedrich (« Hibou sur une tombe », « paysage de montagne avec croix », 1804-1805, « pèlerinage au soleil couchant », 1805…).

Gros, Alexandre domptant Bucéphale_Gros, dessins_Louvre, Paris, 14 aout 2019

Enfin, le Louvre propose un modeste aperçu des dessins d’un artiste qui incarne la période napoléonienne et son achèvement : Antoine-Jean Gros, intéressant prologue aux expositions du Petit Palais. L’art de Gros, élève de David et précurseur du romantisme, témoigne d’un détachement progressif du néo-classicisme de son maître au profit d’un style nouveau, marqué par une facture libre et fougueuse, particulièrement sensible dans les admirables dessins représentant « Alexandre domptant Bucéphale ».

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Author: Instant artistique

Conservateur de bibliothèque. Diplômée en Histoire et histoire de l'art à l'Université Paris I et Paris IV Panthéon-Sorbonne. Classes Préparatoires Chartes, École du Patrimoine, Agrégation Histoire. Auteur des textes et de l'essentiel des photographies de l'Instant artistique, regard personnel, documenté et passionné sur l'Art, son Histoire, ses actualités.

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