Paysages mystiques…

MUSEE D’ORSAY, Paris, Mars-Juin 2017

Munch, la danse sur le rivage_au delà des étoiles_musée d’Orsay_17 mars 2017 et 1er mai 2017

Le musée d’Orsay consacre une exposition de très bonne tenue au paysage de Monet à Kandinsky. Il s’agit plus précisément de mettre l’accent sur les questionnements mystiques qui sous-tendent un certain nombre de représentations de la nature.

Le parcours s’intéresse ainsi à des œuvres susceptibles de susciter sinon un sentiment de transcendance, du moins la contemplation, telles que les superbes « oliviers » de Van Gogh, « les meules » et les « cathédrales de Rouen » de Monet -métaphore de l’existence dès lors que le sujet varie au fil des saisons, de la lumière et du temps- ou, aux marges de l’abstraction, « les nymphéas » de Monet, les arbres de Mondrian et les jeux formels de Kandinsky.

Une salle consacrée au thème du bois sacré propose un ensemble de toiles nabis dont l’un des principaux protagonistes, Maurice Denis, considérait « la peinture [comme] un art essentiellement religieux et chrétien ». De fait, des figures religieuses ou angéliques cheminent dans certaines toiles de Denis dans une forêt dont les arbres verts incarneraient l’âme et son élévation, arbres que l’on retrouve chez Georges Lacombe dans une gamme cette fois flamboyante. Le divin est parfois plus directement représenté dans la nature, qu’il s’agisse du « bouddha » d’Odilon Redon, d’une délicatesse assez orientale, du « christ au jardin des oliviers » ou de la remarquable « Vision après le sermon », de Gauguin, que l’artiste aurait souhaité voir dans l’église de Pont-Aven et dont la composition audacieuse place la scène religieuse en arrière plan d’une scène réaliste : un groupe de villageoises à coiffe au sortir de la messe, de dos. Ces oeuvres sont rapprochées de deux toiles magistrales, « le semeur » de Van Gogh et « la danse sur le rivage », de Munch, dont les figures menaçant les danseuses (l’innocence) seraient des allégories de la mort et de la passion.

Le partenariat du musée français avec l’Art Gallery d’Ontario à l’occasion de cette exposition permet par ailleurs de mettre l’accent sur des artistes canadiens plutôt méconnus et peu exposés à Paris tels que Tom Thomson ou Emily Carr : un ensemble de paysages dépouillés de toute humanité et quelque peu imprégnés eux aussi de mysticisme (Emily Carr considère ainsi les éléments comme une expression de Dieu). Y est associée une remarquable toile, « Vague », du peintre suédois Strindberg.

Le parcours se poursuit par une salle consacrée à la thématique de la nuit qui confronte les impressionnantes toiles d’Eugène Janssen à « la nuit étoilée » de Van Gogh. Pour l’un comme pour l’autre, la nuit met en valeur les lumières de la vie et Van Gogh relève sa dimension spirituelle : « J’ai un besoin terrible de religion, alors je vais la nuit dehors pour peindre les étoiles ». On quitte ensuite le spirituel pour aborder le traumatisme, la désolation et la mélancolie avec une salle consacrée aux paysages dévastés ou l’impact de la guerre 1914-18. Outre quelques découvertes telles que les toiles de Nash ou Jackson, cette salle propose principalement deux joyaux, le « paysage aux corbeaux » de Schiele, au style dur et torturé, sorte de « nuit obscure de l’âme », mont fermé par une palissade et ponctué de croix et d’habitats précaires et « au-dessus de Vitebsk », de Chagall, paysage urbain enneigé que survole tristement l’artiste. L’exposition s’achève singulièrement sur des paysages « cosmiques », notamment des peintres américains gravitant autour de Stieglitz tels que O’Keeffe et Dove.

Une exposition qui, sans être convaincante dans son propos, réunit des œuvres de grande qualité et ménage quelques ouvertures sur des scènes artistiques plus méconnues. Sans rejoindre pleinement les propos des plus critiques et virulents du Huffington post qui déplore le côté « fourre-tout » et quelque peu élitiste de la thématique retenue, il est vrai que nombre d’artistes représentés ne revendiquaient pas de spiritualité particulière et que la dimension mystique attendue n’est que peu manifeste.

Si le propos est d’envisager le paysage comme support d’une quête contemplative, mystique et lieu de l’expression des sentiments intérieurs, la sélection d’œuvres n’en regroupe pas moins des paysages dévastés par la guerre (Schiele, Nash), des nocturnes, des paysages lieu de scènes chrétiennes (bois sacrés nabis, Christ de Gauguin, bouddha de Redon…), des paysages symboliques (Munch), des paysages cosmiques (Dove..), des expressions d’une nature luxuriante et ou mouvementée (Carr, Thomson, Strindberg), des paysages sous-tendus par la théosophie (Mondrian), des déclinaisons temporelles du paysage travaillant principalement les variations colorées et la lumière (Monet) etc. soit des approches des plus hétérogènes. Oublions donc ce fil directeur un peu faible pour se concentrer sur la grande qualité de certaines toiles, d’autant qu’’il n’est guère nécessaire d’un arrière-plan théosophique, bouddhique ou chrétien pour que maintes de ces œuvres suscitent un état méditatif !

+ un petit détour par les collections permanentes, occasion d’admirer de remarquables autoportraits de Courbet ou Caillebotte…http://www.huffingtonpost.fr/…/le-musee-dorsay-met-la…/

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Author: Instant artistique

Conservateur de bibliothèque. Diplômée en Histoire et histoire de l'art à l'Université Paris I et Paris IV Panthéon-Sorbonne. Classes Préparatoires Chartes, École du Patrimoine, Agrégation Histoire. Auteur des textes et de l'essentiel des photographies de l'Instant artistique, regard personnel, documenté et passionné sur l'Art, son Histoire, ses actualités.

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