MUSEE DU QUAI BRANLY, Paris, Mars_Juillet 2017

En dépit d’une introduction chronologique beaucoup trop documentée et longue -au point que l’on finit par se demander si l’on va tout de même admirer quelques œuvres du maître dans cette exposition ! -, introduction consacrée aux interactions entre Picasso et « l’art nègre » et qui s’efforce de présenter des pièces d’arts premiers collectionnées ou vues par l’artiste, l’exposition du musée du quai Branly se révèle de grande qualité. Une sélection d’œuvres du maître parmi une production foisonnante de toute beauté. Des parallèles entre certaines toiles et des sculptures, masques et objets d’Afrique des plus efficaces et donnant une nouvelle profondeur à la réflexion et aux quêtes formelles de l’artiste tout au long de sa vie sur une autre construction du réel où l’œuvre s’impose par sa présence, irréfutable.

Picasso, le baiser 
vase Maya 300 avant JC
L’approche thématique qui domine après la partie introductive est d’ailleurs consacrée à ce travail formel à travers des entrées telles que « archétypes », « métamorphoses » et « le ça », lesquelles se déclinent en multiples approches : nudité, stylisation-verticalité, le corps signe -bouleversé pour atteindre une présence première loin de toute référence sociale ou de tout affect psychologique-, le corps en plein-en vide, réversibilité, mise en abîme -« cadavres exquis » plastiques, animal-humain à l’image du minotaure, assemblage, les baisers ou la bouche cannibale, le sexe, le visage à l’épreuve de la défiguration ou la dislocation de la figure comme moyen d’atteindre l’intériorité de l’autre, regards (« deux trous, c’est le signe du visage […]. Ce qui est le plus abstrait est peut-être le comble de la réalité »), faire face…
De la forme disloquée par le cubisme à l’informe expression de pulsions de vie et de mort. Une ligne de lecture de l’œuvre de Picasso des plus pertinentes. S’il trouve dans les arts premiers une invention et une liberté formelle qui l’inspirent, Picasso y décèle par ailleurs le sens même de la création :
Quand j’ai découvert l’art nègre, il y a quarante ans, et que j’ai peint ce qu’on appelle mon Epoque nègre, c’était pour m’opposer à ce qu’on appelait « beauté » dans les musées. […] Quand je me suis rendu pour la première fois avec Derain au musée du Trocadéro [….] j’ai compris que c’était le sens même de la peinture. Ce n’est pas un processus esthétique ; c’est une forme de magie qui s’interpose entre l’univers hostile et nous, une façon de saisir le pouvoir, en imposant une forme à nos terreurs comme à nos désirs.
Picasso cité par Françoise Gillot
A voir !






















