JEU DE PAUME, Paris, Février-Mai 2018

S’il était un qualificatif à donner aux expositions actuellement déployées au Jeu de Paume et au palais de Tokyo, ce serait celui d’engagé, même si la proposition du Palais de Tokyo m’a semblé plus convaincante. Le Jeu de paume accueille une rétrospective consacrée à l’américaine Susan Meiselas, membre de l’agence Magnum et dont le travail le plus emblématique, consacré à la révolution sandiniste au Nicaragua, témoigne d’une réflexion sur l’image, son usage dans les médias, son contexte de réception, sa diffusion, sa réappropriation. « Molotov man », photographie d’un révolutionnaire sandiniste lançant un cocktail molotov, reprise par les médias, sous la forme d’affiches, de graffitis etc. et devenue une véritable icône de la révolution sandiniste, en est le symbole le plus percutant.
Meiselas s’est également intéressée au Kurdistan, développant une réflexion sur l’identité d’un peuple sans territoire et s’efforçant de documenter le génocide kurde ordonné par Saddam Hussein lors de la campagne d’Anfal en 1988 à travers des photographies des habitats abandonnés et détruits, de l’exhumation de corps des victimes ; ou encore à des Etats en proie à la dictature tels que le Salvador après le coup d’Etat de 1979, le Chili sous Pinochet. Loin de se limiter à la photographie, l’artiste déploie des installations multimédias constituées de photographies, de films, de témoignages, d’archives et ne cesse de lier dimension personnelle et dimension géopolitique dans son œuvre, grâce à la relation qu’elle noue avec ses modèles. Son œuvre témoigne d’un intérêt particulier à la condition des femmes, travail qui débute par un questionnement sur l’identité sexuelle avec « Prince Street Girls » 1975-90, où l’artiste étudie la transformation progressive du corps des jeunes filles de son quartier, et se développe par des séries consacrées à l’industrie du sexe ou à la violence domestique.

Haussmann, untitled 1931 
Haussmann, vieille cuisine Can Palerm sant Josep 1936
Le jeu de Paume se penche par ailleurs sur le travail photographique de Raoul Haussmann, figure du dadaïsme berlinois, plus connu pour ses assemblages et ses poèmes. Ce travail se caractérise par sa sérénité et son lyrisme, sa dimension expérimentale et sa quête de l’écart. Qu’il prenne pour sujet l’architecture vernaculaire d’Ibiza où il décèle une beauté, une épure, dignes des plus grands architectes modernes, un nu qu’il dote d’une qualité sculpturale, quasi minérale, un objet du quotidien des plus banals : chaise, râpe, transformé en tourbillon de lumière par le simple jeu d’une ampoule, il s’agit toujours pour Haussmann d’une image en devenir, d’un « processus vivant » voire d’un montage au sens d’une combinaison de formes et d’images.

















