GRANDE HALLE DE LA VILLETTE, Paris, Mars-Mai 2017

C’est au cœur d’une scénographie tout à fait singulière et urbaine que s’exposent une cinquantaine d’artistes africains contemporains dans la grande halle de la Villette. On chemine en effet à travers une ville imaginaire ponctuée de labyrinthes, d’immeubles qui semblent marqués par l’art cinétique, de minaret, de cabanes suspendues mais également de vidéo-installations, de photographies, de peintures, de néons…le tout surplombé d’un remarquable « rêve », en forme de nuée menaçante. Si toutes les propositions ne retiennent pas l’attention, une part d’entre elles méritent véritablement le détour.

Pascale Marthine Tayou_falling houses 2014 
Joel Andrianomearisoa, négociations sentimentales acte V 2014
Entre sculpture et architecture, le camerounais Pascale Marthine Tayou suspend ainsi, ses « falling houses » (2014) au-dessus de nos têtes, habitat de bois recouvert d’impressions diverses et à notre image ; les labyrinthes de l’égyptien Youssef Limoud (« labyrinth », 2017) et du camerounais Maurice Pefura (« Continuum », 2017) tendent l’un vers la ruine, la destruction et la dimension labyrinthique de l’existence, l’autre vers la poésie : le labyrinthe de Pefura, tout en signifiant la ville comme labyrinthe, espace où se perdre, prend en effet la forme du cerveau humain dont il invite à explorer la complexité ; l’égyptien Moataz Nasr dresse quant à lui dans l’espace d’exposition (« The Minaret », 2012) une structure pyramidale de bois de récupération, de cristal et de verres brisés, illuminée de l’intérieur et censée rendre hommage à l’amour et à la compréhension universels ; enfin, le malgache Joël Andrianomearisoa (« négociations sentimentales acte V » 2014) tourne en dérision la vanité narcissique présente dans tout rapport à l’autre à travers ses miroirs aux multiples facettes qui se dressent comme des immeubles et nous reflètent tout en nous morcelant.

Leila Alaoui_crossings 2013 
Heba Amin_project speak2tweet 2011 17
Une œuvre tout à fait atypique et forte surplombe tout cela : « un rêve », de l’égyptien Nabil Boutros (2016). Si la forme qui se déploie dans cette œuvre se révèle aérienne, poétique et évoquant d’emblée, par sa blancheur, le nuage, celui-ci se confronte à un anneau de barbelés des plus menaçants et susceptibles d’incarner toute forme de frontières et de murs, d’une actualité si violente à l’ère des exils et des migrations imposées. Le nuage, constitué de matériaux pauvres (sacs plastiques), est par ailleurs ce qui obscurcit le soleil mais ne fait que passer, comme le temps…Le parcours est par ailleurs, côté vidéo, l’occasion de revoir le triptyque de l’artiste franco-marocaine Leila Alaoui, « crossings » (2013), consacré aux migrants sub-sahariens, de découvrir « le radeau de la méduse », du français Alexis Peskine (2016), qui, tout en s’inspirant de Géricault, travaille également la thématique dramatiquement actuelle de la migration ; ou encore de s’intéresser à l’installation vidéo et sonore d’Heba Amin (« project Speak2Tweet », 2011-17), détournement de la censure égyptienne.

Myriam Mihindou_immatériel 2016 
Emo de Medeiros_points de résistance 2013 17
Parmi les oeuvres photographiques, j’ai retenu le très beau triptyque de la franco-gabonaise Myriam Mihindou (« immatériel », 2016) ainsi que l’installation photographique du congolais Sammy Baloji (« Ouakam fractals 2015 ») consacré à un quartier pauvre de Dakar, quartier de pêcheurs pratiquant une religion animiste. Elle est accompagnée d’une autre œuvre sur Dakar, « Débris de justice », du sénégalais Antoine Tempé (2016), images de ruine de l’ancien palais de justice de la ville, entre satire et documentaire.A voir également les remarquables collages de l’ivoirien Ouattara Watts et du ghanais Godfried Donkor (« new olympians series V-X « 2017), l’impressionnante sculpture « bricolée » en référence aux traditions tribales des Bahamas, de Lavar Munroe, les « points de résistance » du franco-béninois Emo de Medeiros (2013-17), « poing » dont chacun évoque, à travers une installation sonore, un combat pour la défense des libertés, du chant des partisans à l’appel du 18 juin de de Gaulle, en passant par « House burning down » d’Hendrix…ou encore, dans le même esprit de lutte contre les discriminations et pour les libertés, le néon de James Webb, inspiré d’une chanson des Smiths contre Thatcher, « there is a light that never goes out “(2010).

James Webb_there is a light that never goes out 2010 
William Kentridge_more sweetly play the dance 2015
Si toutefois il n’est qu’une œuvre à retenir de cet ensemble, ce sera à l’évidence l’impressionnante installation du sud africain Kentridge, « more sweetly play the dance” (2015), entre vidéo et dessin animé selon la pratique de l’artiste. L’artiste déploie sur une longue suite d’écrans une lente procession non sans allusion aux danses macabres médiévales, soit à la danse comme moyen d’éloigner la mort. L’œuvre, chargée de figures et de signes récurrents dans l’œuvre de l’artiste, va toutefois bien au-delà de ce premier niveau de lecture et peut tout autant évoquant des réfugiés fuyant la guerre ou la dictature. Simon Njami, commissaire de l’exposition, refusant tout exotisme, met ainsi l’accent sur la singularité des artistes, au-delà de leur continent d’origine et de leur héritage culturel : « il importe de regarder l’œuvre avant de chercher l’Afrique. », dit-il.






















j’aimerai vous signaler une très belle expo en ce moment à milan
à ne pas manquer si vous y passez
https://www.pacmilano.it/reverselab/
https://www.artribune.com/arti-visive/arte-contemporanea/2024/09/carcere-san-vittore-milano-reverselab-spazio-culturale/
https://www.youtube.com/watch?v=60Mrh678YDM
Merci pour cette information !